Arnaud Montebourg : «Les médias français sont une menace pour la démocratie»
Le candidat à la primaire de gauche, Arnaud Montebourg, ne cache pas sa crainte de voir certains médias français, contrôlés par les forces de l’argent, tout tenter pour discréditer sa candidature et faire barrage au Parti socialiste (PS) lors de la prochaine présidentielle française. «Dans ce pays, il y a un mur des puissants invisible, mais bien réel, contre lequel beaucoup de pouvoirs politiques se sont fracassés», a-t-il soutenu sur Itélé, dont il a accusé le patron de chercher à tuer le pluralisme en France.
Arnaud Montebourg est un peu dans la même posture que celle de Donald Trump lors de la campagne pour la présidentielle américaine de novembre dernier. Le président américain avait accusé lui aussi à plusieurs reprises les instituts de sondages et les grands médias américains d’être «corrompus» et de chercher à «truquer» l’élection afin de faire élire sa concurrente Hillary Clinton. Et le temps a fini par lui donner raison. Sa victoire a prouvé que beaucoup de médias américains font plus dans la manipulation et la propagande que dans l’information.
Les accusations lancées par Arnaud Montebourg ne sont donc pas que des paroles en l’air et censées uniquement plaire à un électorat de gauche écrasé par la crise économique. Elles renvoient à une réalité bien ancrée : celle d’un pouvoir de l’ombre qui passe son temps à placer qui il veut au pouvoir et à déchoir qui il veut. A l’instar d’Itélé ou du groupe Canal+ qui appartiennent à Vincent Bolloré, de nombreux autres grands médias français, comme Libération, Le Figaro et Le Monde, pour ne parler que de la presse écrite, sont désormais contrôlés soit par des hommes d’affaires, comme Lagardère, ou par des banques privées. Leurs propriétaires s’en servent très souvent comme moyen de pression pour, comme le rappelle Arnaud Montebourg, faire marcher à la baguette les gouvernements et protéger leurs intérêts.
En France, il n’y a presque plus de médias indépendants. L’argent a pris le pouvoir presque partout dans les journaux, les télévisions, les sites internet et les radios. Bouygues, Xavier Niel, Dassault, Bernard Arnault, Bolloré, Pierre Bergé, Patrick Drahi, François Pinault, Matthieu Pigasse et Lagardère sont aujourd’hui les dix milliardaires qui contrôlent le secteur médiatique français. Pourquoi se massent-ils dans ce secteur pourtant déficitaire ? Pour gagner en influence, bien sûr. Bien entendu, ce sont la démocratie, le droit à l’indépendance de la presse et à une information libre qui en sortent perdants. Mais qui peut bien s’en soucier…
Une ONG française de défense des droits de l’Homme a fait remarquer que l’emprise des forces de l’argent sur les médias s’est renforcée ces derniers mois. Elle rappelle que le milliardaire franco-israélien Patrick Drahi a acquis coup sur coup Libération puis le groupe L’Express avec ses innombrables titres, et va progressivement monter dans le capital d’ici à 2019 de NextRadioTV, comprenant pêle-mêle BFM-Business, BFM-TV ou encore RMC. Il y a aussi Vincent Bolloré qui a pris le contrôle de Vivendi et du même coup, de sa filiale Canal+, qu’il a soumise à ses caprices. Il y a eu auparavant le rachat du Nouvel Observateur par les trois actionnaires richissimes du groupe Le Monde, Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé.
Il y a eu également le milliardaire Bernard Arnault qui a pris le contrôle du Parisien après avoir absorbé Les Echos en 2007, «laquelle prise de contrôle s’est tout aussitôt accompagnée d’une première censure pour que le documentaire Merci Patron ! ne soit pas chroniqué dans le quotidien». Il y a eu encore le milliardaire libanais Iskandar Safa qui a pris le contrôle du magazine Valeurs actuelles. A qui le tour ?
Khider Cherif
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