Approfondir les réformes pour éviter le FMI
Par Abderrahmane Mebtoul – Afin que l’Algérie puisse négocier en position de forces, il faudrait qu’elle change la mentalité bureaucratique. En ce XXIe siècle, ce ne sont pas les Etats qui investissent, jouant le rôle de régulateur, devant concilier efficacité économique et une profonde justice sociale, mais les opérateurs qui sont mus par la logique du profit. Personne ne pouvant se targuer d’être plus nationaliste qu’un autre, la facilité et la fuite en avant est de vouloir imputer les causes du blocage seulement à l’extérieur – ce discours anti-impérialiste chauviniste pour faire oublier les problèmes intérieurs, ce chat noir dans un tunnel sombre que l’on ne voit jamais –, alors que le mal essentiel est en nous.
L’extérieur est-il responsable de la montée en puissance de la bureaucratie destructrice et de la corruption dominante ? L’extérieur est-il responsable de notre mauvaise gestion et du gaspillage de nos ressources ? Certes, les inquiétudes sont légitimes car les baisses tarifaires sont un manque à gagner à court terme, variant selon les sources entre 1,5 et 2 milliards de dollars par an du fait du dégrèvement tarifaire, mais nous devons raisonner en termes d’avantages comparatifs dynamiques à moyen terme. Invoquer la situation mono-exportatrice de l’Algérie ne tient pas la route ; la majorité des pays de l’Opep étant membres de l’OMC – 97% du commerce mondial et 85% de la population mondiale.
Le grand défi pour l’Algérie est d’accélérer la réforme globale pour tirer les avantages comparatifs de l’insertion dans la division internationale du travail. Pour bénéficier des effets positifs de l’accord avec l’Europe que d’une éventuelle adhésion à l’OMC – sinon les effets pervers l’emporteront –, il faut d’abord faire le ménage au sein de l’économie algérienne. Ce sont les freins à la réforme globale du fait de déplacements des segments de pouvoir (les gagnants de demain n’étant pas ceux d’aujourd’hui) qui expliquent le dépérissement du tissu productif.
Toute analyse opérationnelle devra relier l’avancée ou le frein aux réformes en analysant les stratégies des différentes forces sociales en présence, la politique gouvernementale se trouvant ballottée entre deux forces sociales antagoniques : la logique rentière épaulée par les tenants de l’import (en réalité seulement 100 contrôlant plus de 80% du total) et de la sphère informelle malheureusement dominante, et la logique entrepreneuriale minoritaire.
Cela explique que l’Algérie est dans cette interminable transition ; ni économie de marché concurrentielle à vocation sociale ni économie administrée. L’avancée des réformes est, inversement, proportionnelle aux cours du pétrole et du dollar et les réformes sont timidement faites avec incohérence lorsque que ces cours baissent. Cela explique également que malgré des dévaluations successives du dinar, 5 dinars contre un dollar en 1974 à 110 dinars contre un dollar en 2016 (taux officiel de la banque), il a été impossible de dynamiser les exportations hors hydrocarbures. Ceci montre que le blocage est d’ordre systémique. C’est que 80% directement et indirectement du taux de croissance du PIB (via le BTPH) et donc du taux d’emploi, est tiré par la dépense publique via les hydrocarbures, ce qui donne aux entreprises créatrices de richesses publiques ou privées (souvent endettées vis-à-vis des banques publiques) une part négligeable.
Les infrastructures n’étant qu’un moyen, l’expérience récente malheureuse de l’Espagne qui a misé sur ce segment, doit être méditée attentivement par les autorités algériennes. Aussi, pour pouvoir attirer les investissements porteurs, le gouvernement algérien devrait-il mette en place des mécanismes de régulation afin d’attirer des investisseurs porteurs et éviter des changements périodiques de cadres juridiques et des actions administratives bureaucratiques non transparentes source de démobilisation et qui risquent de faire fuir les investisseurs qu’ils soient locaux ou étrangers.
Sans chauvinisme, l’Algérie recèle des potentialités pour sortir de la crise. Contrairement à certaines prévisions pessimistes prédisant un scénario catastrophe pour l’Algérie à l’horizon 2020, l’Algérie, sous réserve d’une bonne gouvernance et d’une réorientation de sa politique économique, a l’ambition de ses choix. Elle peut devenir un acteur déterminant de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, conditionnée par son développement économique et social au sein de grands espaces régionaux.
Réussir les reformes structurelles de sorte à permettre le redressement national est possible. Pour cela, des réformes de structures doivent avoir pour finalité l’encouragement de l’investissement créateur de valeur ajoutée, en passant par la refonte du système foncier, financier, douanier, fiscal et administratif, et par une nouvelle régulation sociale au profit des plus démunis. Il y a urgence de mettre en place des objectifs précis et une nouvelle organisation institutionnelle afin de donner plus de cohérence au management.
A. M.
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