Bahreïn : les chiites se préparent à prendre le pouvoir
Manama risque de regretter amèrement sa décision prise, dimanche, de faire passer par les armes trois jeunes Bahreïnis de confession chiite condamnés à mort pour un attentat ayant coûté la vie en 2014 à trois policiers, dont un officier des Emirats arabes unis, et blessé treize autres. C’était la première fois qu’un membre des forces de sécurité d’un autre pays du Golfe était tué à Bahreïn, où des militaires et des policiers d’Etats voisins se sont déployés en 2011 pour soutenir la monarchie sunnite face à la contestation animée par la majorité chiite. Depuis, la répression contre les chiites s’est intensifiée et ne laisse aucune marge de manœuvre à l’opposition bahreïnie.
Justement, la sentence, appliquée par un peloton d’exécution, a tout l’air cette fois d’avoir convaincu la majorité chiite de ce pays royaume du Golfe, gouverné par un monarque sunnite, d’abandonner ses banderoles et de se lancer dans une lutte armée afin de faire valoir ses droits. Le mouvement islamique chiite Wafa encourage, en tout cas, la population à aller dans ce sens.
Evoquant les innombrables obstacles dressés devant le combat pacifique, Mortadi Sindi, l’un des chefs de ce mouvement d’opposition, a appelé sans ambiguïté, lundi, la population à opter sans plus attendre pour la lutte armée. De son côté, Wafa a fait savoir qu’il se considérait déjà en guerre contre la monarchie et que ses militants avaient reçu pour consigne de ne faire aucun quartier au pouvoir en place.
Des sources médiatiques soutiennent qu’en privant les trois jeunes Bahreïnis d’un enterrement religieux conforme au rite chiite et en refusant de rendre leurs corps à leurs familles, les autorités ont provoqué la colère de la majorité chiite. Preuve en est, l’annonce des exécutions a, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, provoqué des manifestations d’une rare violence dans des villages chiites où des résidents ont bloqué des rues en incendiant des pneus, tandis que la police ripostait en tirant des gaz lacrymogènes.
Dans ce petit royaume du Golfe adossé à l’Arabie Saoudite, des habitants chiites défient régulièrement le pouvoir sunnite qui réprime sévèrement ses opposants en les accusant de «complicité avec l’Iran». A ne point en douter, l’appel à la lutte armée lancé par le mouvement Wafa marque une radicalisation de la communauté chiite qui menace d’embraser non pas uniquement Bahreïn mais de déstabiliser aussi tout le Golfe arabo-persique, surtout qu’il n’est pas exclu du tout que l’Iran et le Hezbollah – qui s’estiment être les défenseurs des chiites opprimés – interviennent pour rétablir l’équilibre des forces ou, à tout le moins, pour rendre justice à leurs «frères de religion».
Une telle intervention se justifierait déjà par le fait que Bahreïn est soutenu dans sa lutte implacable contre l’opposition par toutes les monarchies sunnites de la région. Un tel scénario serait des plus dangereux car il pourrait se muer en guerre confessionnelle entre sunnites et chiites, surtout que les contentieux entre les deux camps ne manquent pas. Si une telle confrontation a lieu, elle aura pour conséquence de plonger une région déjà gagnée par le terrorisme dans un indescriptible et durable chaos.
Israël et les néoconservateurs occidentaux qui rêvent qu’un tel scénario se produise depuis des années se frottent déjà les mains.
Khider Cherif
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