Théâtre : la pièce «El Kharif» dénonce les crimes sectaires en Irak
C’est à une représentation théâtrale irakienne assez singulière que les spectateurs oranais ont assisté mardi soir, non seulement par l’endroit où elle a été présentée, mais par son thème et sa mise en scène des crimes sectaires en Irak. La pièce irakienne El Kharif (L’Automne) a été donnée à la médiathèque de la bibliothèque Bakhti-Benaouda devant un public intéressé, mais curieux de connaître les motivations qui ont conduit le metteur en scène à un tel choix, car, d’une manière générale, l’endroit ne se prête pas à une représentation théâtrale, conventionnelle du moins.
Le metteur en scène Samim Hassaballah a expliqué, lors de la séance de présentation de la pièce, que sur le plan technique, la pièce présente quelques spécificités et ne peut être jouée dans les théâtres conventionnels, mais a besoin d’un espace spécial et adéquat pour que le spectacle puisse atteindre ses objectifs et le metteur en scène à mettre en application ses idées et ses choix en matière de scénographie. C’est même une condition de l’Institut du théâtre arabe, qui avait souhaité que la représentation se déroule dans un site historique. Le comité de sélection du Festival du théâtre arabe avait assisté à la première représentation de la pièce au niveau d’une vieille bâtisse à Bagdad et avait été séduit par l’idée. Le comité en a même fait une condition et a demandé à la troupe de donner la représentation dans un site historique à Oran durant la 9e édition du festival, a expliqué Samil Hassaballah. Pour ce faire, cinq édifices historiques d’Oran ont été visités et le choix du metteur s’est porté sur la salle de la médiathèque. Et c’est ainsi que la salle a été mise à la disposition de la troupe afin d’offrir à la troupe un espace propice et conforme à la représentation, a-t-il ajouté.
La pièce El Kharif est inspirée de l’œuvre de l’écrivain français Jean Genet, Haute surveillance, et de la pièce Sirdab (Sous-sol) de l’écrivain irakien Haïder Joumâa. La scénographie a été signée par Ali Soudani. La pièce est interprétée par Yahia Ibrahim, Haïder Joumâa, Bahaâ Hayoune et Hichem Jawad. Elle aborde le thème délicat des assassinats sectaires en Irak et le metteur prévient, et s’excuse même, de la violence et de la dureté de certaines scènes, arguant que la réalité est souvent davantage plus atroce dans un Irak miné par les tragédies, les destructions et la guerre. «Dans cette œuvre, nous avons voulu exploiter cette violence et ces atrocités comme un moyen pour exprimer la réalité irakienne», a souligné le metteur en scène, ajoutant que la pièce El Kharif pose de nombreuses questions et essaie de décrire ce que le tueur sectaire pense au moment où il accompli son acte et, plus tard, ce qu’il pense de ses propres actes et quelles réponses apporte-t-il à ses propres questions et comment il fait face à ses peurs, à la témérité et à la folie de ses actes passés. La pièce transpose, sur le plan esthétique, la tragédie irakienne sur la scène théâtrale et reproduit quelques scènes de violence inouïes afin de «frapper les esprits» et leur faire comprendre la dure réalité du peuple irakien.
De son côté, Haïder Joumâa a indiqué que, techniquement et sur le plan thématique, le spectacle est différents sur tous les plans de tout ce qui a été réalisé jusqu’ici, soulignant que les tueurs sectaires existent dans toutes les régions d’Irak et que le problème se pose également dans plusieurs autres pays arabes. Dans ce même contexte, le metteur en scène a souligné qu’El Kharif n’est pas une simple représentation, mais un projet théâtral né d’une thèse de doctorat intitulée «La symbolique de la violence au théâtre».
Samim Hassaballah a ajouté que la pièce n’a pas pour simple objectif de décrire et de dénoncer les violences sectaires en Irak. Pour lui, ce n’est pas une fin en soi, mais la pièce présente en filigrane l’espoir d’un avenir prometteur pour le peuple irakien.
Du côté du public oranais, celui-ci a très bien accueilli la pièce et le choix de la médiathèque qui lui a rappelé un tant soit peu le théâtre de la halqa, car les sièges des spectateurs ont été disposés de telle manière qu’ils «cernaient» la scène de trois côtés. De nombreux spectateurs ont en outre assisté debout à la représentation.
Dans El Kharif, en effet, le metteur en scène s’est particulièrement éloigné du théâtre à l’italienne. La pièce irakienne, placée dans la catégorie «off», participe à la 9e édition du Festival du théâtre arabe qui se déroule à Oran et Mostaganem du 10 au 19 janvier. Elle n’entre pas toutefois en compétition pour le Prix Soltane Ben-Mohamed Al-Qassimi.
R. C.
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