Le message de Bouteflika aux puissances économiques et aux institutions financières
Le cabinet de consulting britannique Oxford Business Group (OBG) a accompagné son rapport annuel relatif à 2016 sur l’Algérie par une interview du président Bouteflika qui s’adresse ainsi à travers cette publication aux étrangers, principalement les milieux d’affaires qui ont sans doute besoin de savoir ce qu’il en est réellement dans notre pays. Habituellement, OBG donne ses appréciations propres – sans avoir spécialement recours à des responsables algériens – sur la situation économique de l’Algérie et le contexte qui la détermine.
Au début des années 2000, le rapport était rédigé de façon plutôt tendancieuse, mais depuis quelques années, il a pris un accent complaisant, en évitant de se lancer, comme la Banque mondiale (BM) ou le Fonds monétaire international (FMI), dans la critique des orientations officielles. L’intérêt d’OBG de faire intervenir le chef de l’Etat dans ce rapport est évident, il lui permet de rehausser la qualité et renforcer la crédibilité de son document par des informations et appréciations données directement par le premier responsable du pays.
Pour le président Bouteflika, c’est l’occasion de réaffirmer qu’il est le concepteur de la nouvelle politique mise en œuvre comme riposte à la crise financière créée par la chute des prix du pétrole depuis la mi-2014. Il choisit de le faire dans une publication, celle d’OBG, qui a fait usage de propos très flatteurs à son égard dans son précédent rapport annuel (2015) sur l’Algérie, en le présentant comme celui qui a apporté «une plus grande stabilité et un retour à la normale pour le pays, ce qui a permis une paix sociale et une relance économique pendant tous ses mandats».
Indirectement, le président Bouteflika s’adresse également à l’opinion publique algérienne qui prend connaissance de l’interview par l’APS qui, à défaut de la restituer in extenso, en a diffusé de larges extraits repris par les médias publics, dont la télévision qui a ouvert son journal d’hier soir avec cet événement. Mais le Président adresse son message qui se veut rassurant d’abord aux étrangers : «Le pays est dans une position « sûre » malgré la baisse des prix du pétrole.» Il dresse un bilan positif de ses quatre mandats à la tête du pays. En affirmant sa volonté de «favoriser le monde des affaires», il utilise des termes, en particulier celui d’«affaires» récurrent dans l’interview, qui correspondent aux attentes d’OBG et de ceux auxquels ce type de publications est destiné. «Tout est fait, affirme le président Bouteflika, pour encourager l’investissement et le développement d’affaires, et pour améliorer l’environnement d’affaires.»
Il parle de «climat d’affaires gagnant-gagnant». Il y a ici, certainement, en arrière-fond, un écho à l’obsession de la Banque mondiale pour «l’amélioration du climat des affaires». On sait que les ministres et autres responsables s’efforcent de montrer qu’ils tiennent compte de cette préoccupation en la reprenant dans sa formulation originale en anglais de «Doing Business».
Le président Bouteflika ne manque pas de citer les mesures prises pour booster le climat des affaires en Algérie. En fait, il ne fait aucune révélation, y compris concernant le nouveau modèle de croissance économique, dont l’innovation, qui consiste à se fonder sur des stratégies budgétaires à court et à moyen terme (période 2016-19) pour tenir compte de l’environnement économique actuel, a été déjà évoquée à plusieurs reprises. Il en est de même à propos de l’Etat qui «continue d’offrir un soutien social aux personnes défavorisées», une option déjà confirmée par le Premier ministre Abdelmalek Sellal.
L’interview dans OBG permet d’afficher l’ambition de l’Algérie d’être «un acteur majeur en Afrique, au Moyen-Orient, en Méditerranée et dans le monde». Dans cette énumération, la priorité africaine est mise en évidence. Par cette intervention dans le rapport d’OBG, le président Bouteflika renoue-t-il avec la série des longues interviews qu’il avait accordées au début de son premier mandat à la presse internationale ?
Houari Achouri
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