Mezri Haddad : «L’avènement de Trump est une mauvaise nouvelle pour les islamistes»
L’ancien ambassadeur de la Tunisie auprès de l’Unesco et docteur en philosophie morale et politique, Mezri Haddad, estime que l’arrivée au pouvoir aux Etats-Unis de Donald Trump est une très mauvaise nouvelle pour les islamistes maghrébins de manière générale et pour la confrérie des Frères musulmans en particulier. Donald Trump, rappelle-t-il, «avait clairement et publiquement affiché, lors de sa campagne électorale, son allergie profonde pour tout ce qui est islamisme, de la secte barbare de Daech au mouvement des Frères musulmans». L’ancien diplomate tunisien pense cependant que c’est le parti tunisien Ennahdha qui devrait subir en premier les dommages collatéraux de l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. «Orphelin de son parrain à la Maison-Blanche (Barack Obama, ndlr), le parti islamiste d’Ennahdha est donc dans la ligne de mire de la nouvelle Administration américaine», affirme-t-il dans un entretien accordé ce vendredi à Russia Today.
Mezri Haddad s’est dit persuadé que les choses se passeront mal pour le régime islamiste «modéré» au pouvoir en Tunisie, malgré la couverture républicaine et moderniste que procure l’actuel président, Béji Caïd Essebsi, à ce régime. A l’occasion, il rappelle que le chef des Frères musulmans locaux, Rached Ghannouchi, croyait et espérait ardemment la victoire d’Hillary Clinton sur Donald Trump dans la mesure où celle-ci, dans la continuité obamienne, avait l’intention de soutenir les pays dits du «printemps arabe» et alliée aux Saoudiens et aux Qataris qui ont financé sa campagne. Hillary Clinton, souligne-t-il, comptait même porter la politique islamo-atlantiste de son prédécesseur à son paroxysme en intervenant directement et militairement en Syrie.
A contrario, le professeur de philosophie à la Sorbonne s’est montré convaincu que pour l’Algérie, l’avènement de Donald Trump est une bonne nouvelle dans la mesure où l’arrivée au pouvoir d’Hillary Clinton aurait provoqué le «printemps arabe» tant espéré par Barack Obama et ses alliés arabes et occidentaux. «A chaque fois contenu et repoussé grâce à la vigilance de l’armée et à l’énorme budget consacré par le gouvernement algérien aux chômeurs et aux plus démunis, le pouvoir a mené jusqu’à présent avec succès une stratégie d’achat de la paix civile», indique Mezri Haddad. Il ajoute qu’«avec Donald Trump à la tête des Etats-Unis, le président Abdelaziz Bouteflika a désormais les mains libres et il peut limiter les concessions faites aux islamistes dans son propre pays et revoir à la baisse son soutien implicite aux Frères musulmans tunisiens !».
Même constat pour le Maroc. L’ancien diplomate tunisien croit même savoir que les conséquences politiques de la victoire de Donald Trump se font déjà ressentir dans ce pays. A ce propos, il soutient que le processus de marginalisation du PJD islamiste a commencé et qu’Abdelilah Benkirane est désormais dos au mur. «L’élection de Habib El-Malki à la présidence de la Chambre des représentants fragilise incontestablement l’hégémonisme du PJD. Mesure symptomatique d’un changement stratégique dans la politique marocaine, la récente interdiction de vente de la burka dans tout le royaume», souligne Mezri Haddad, qui rappelle que «le Maroc n’a pu échapper au séisme du ‘‘printemps arabe’’ qu’en anticipant ses effets pervers et en faisant des concessions à la mouvance islamiste».
Selon lui, cette nouvelle donne va permettre au roi Mohammed VI de continuer ses réformes politiques, économiques et sociales sans subir le poids de la géopolitique américaine. Quid de la Libye ? Mezri Haddad indique que «dans ce pays, il n’y a plus d’Etat pour en déduire une quelconque appréciation ou position sur l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche».
Khider Cherif
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