Le rapport Glavany sur la situation sécuritaire en Algérie truffé d’imprécisions
Le rapport d’information déposé le 18 janvier 2017 à l’Assemblée nationale française par la Commission des affaires étrangères en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 27 avril 2016 sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb a abordé la question de la «vulnérabilité» de l’Algérie au risque terroriste. Elle est la même, estiment les auteurs du rapport, que chez ses deux voisins (Tunisie et Maroc) et ils en déduisent que les intérêts de l’Europe «sont directement menacés». C’est dans notre pays, et dans les années 1990, qu’ils situent l’origine de cette «menace terroriste de type djihadiste». Ils inventent, au passage, un nouveau sigle : GAT (groupes armés terroristes). La mission d’information, présidée par Guy Teissier, et dont Jean Glavany est le rapporteur, revient sur l’historique de la première organisation islamiste recourant au terrorisme dans la région, «formée en Algérie en 1992», en rappelant que le Groupe islamique armé (GIA) a été constitué en partie de vétérans de la guerre en Afghanistan, puis la création du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui devient Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ensuite, dans le cadre du «printemps arabe», et particulièrement à partir de la Libye déstabilisée, l’apparition de Daech comme «facteur supplémentaire de développement du djihadisme» au Maghreb.
Les auteurs du rapport constatent que «les cellules pro-Daech peinent à développer des capacités opérationnelles en Algérie» du fait de «l’action des autorités algériennes et la difficulté qu’ont les groupes affiliés à Daech à se coordonner». Il leur «semble» toutefois qu’«on observe l’émergence sporadique de cellules terroristes en milieu urbain qui cherchent à viser les intérêts occidentaux». La même imprécision entache leur rapport quand il mentionne les «combattants étrangers originaires du Maghreb» dans les rangs de Daech et de Jabhat An-Nusra et cite «environ 8 000 combattants algériens, marocains, tunisiens et libyens», sans préciser que la «part» de l’Algérie est dérisoire dans ce lot.
Dans un autre passage, c’est carrément l’amalgame qui est entretenu entre les partis islamistes qui sont dans le paysage politique et les groupes terroristes, en suggérant que l’éradication concerne ces partis et non le terrorisme : «La question qui se pose aujourd’hui aux pouvoirs maghrébins et aux islamistes est comment ? La voie est étroite entre la tentation de l’éradication et l’acceptation mutuelle.» A moins que le rapport n’envisage carrément une cohabitation avec les groupes terroristes ou, pour reprendre les termes du rapport, «un modus vivendi opérationnel». Un autre long passage consacré aux perspectives est un concentré de confusions sur les réalités algériennes.
A croire les auteurs du rapport, la démarche de réconciliation était destinée non pas à désarmer les terroristes mais à affaiblir la base politique des partis islamistes tout en permettant de «réintégrer les représentants de l’islam politique dans le système algérien», ce qui «a eu pour effet de les placer dans une position paradoxale d’opposants cooptés par le régime et, par conséquent, de neutraliser en partie leur force contestataire».
Le rapport reconnaît que «le terrorisme a baissé jusqu’à un niveau sans commune mesure avec les années 1993-1998». Il reconnaît également qu’«en matière de sécurité dans la région, l’Algérie est incontournable». Il fait ressortir l’implication de l’Algérie dans la promotion de la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le rapport révèle (ou confirme) que l’Algérie «a été à l’origine d’informations cruciales pour prévenir des tentatives d’attentats en France et progresser dans les enquêtes sur les attaques récentes» et rappelle les autres domaines de coopération avec la France en rapport avec la lutte contre le terrorisme. L’impression qui se dégage de l’appréciation de la situation sécuritaire donnée par le rapport est que tout dépend de l’évolution de la situation en Libye.
Houari Achouri
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