Sonnez le tocsin, Trump avance !
Par Ahcène Moussi – Le 45e président des Etats-Unis d’Amérique a jusque-là battu tous les records en matière de signature de décrets présidentiels. Il en est à son douzième en l’espace de dix jours à la tête du Pentagone. Plus le temps passe, plus Trump légifère et plus il isole et enfonce cette puissance américaine.
Tel un bulldozer en folie, Trump s’engage là où aucun autre Président avant lui n’a osé s’aventurer, n’en déplaise à ce 115e Congrès américain qui a pourtant le droit constitutionnel de dire stop à cette ruée vers l’horreur, encore moins aux anti-Trump et à ces 232 grands électeurs qui ont voté contre son élection le 8 novembre dernier.
Heureux ceux qui arrivent à discerner le son de sa trompette des autres sons qui nous viennent de partout. Clairs ou mystérieux, les bruits de ces sons nous feront sans cesse vibrer ou peut-être danser à des degrés divers pour longtemps encore. Bien que nous soyons majoritairement manichéens, ces sons paraissent paradoxalement alarmants pour certains et consolants et édifiants pour d’autres.
Et voilà que Mister Trump tente tant bien que mal à sa façon de démonter, mieux encore de démondialiser un monde qui a depuis des décennies fait en sorte de contracter massivement l’espace et le temps par l’intensification des flux économiques et financiers et de toutes sortes de réseaux, afin d’abolir ces tracés virtuels qui séparent les pays et les peuples et d’en faire un territoire commun accessible à tous. Ce que certains appellent le «vivre ensemble».
Trump avoue qu’il n’aime ni l’Europe, ni la Chine, ni les pays musulmans, ni les Mexicains, ni encore l’Otan. Il n’a de respect que pour son ami Poutine.
Il s’empresse d’ériger un mur bien blindé en recourant à des super-bétons sur toute la longueur de la «Tortilla Border», cette frontière de plus de 3 000 kilomètres entre les USA et le Mexique, et d’en faire une «sur-frontière», afin de lutter contre l’immigration, la contrebande et d’empêcher les Mexicains de venir bronzer dans cet eldorado américain. Il oublie cependant que les murs «invitent les mafias à la table des négociations au cœur même de la frontière». Il ouvrira, via son projet de la honte, grande les portes de la criminalité, car vouloir franchir le mur, c’est d’abord payer le prix fort. Donc c’est un problème plus grave que la situation originelle qu’il va ainsi créer.
«Les murs ont des oreilles», ils induisent des logiques de haine, de transgression et de guerre. Ils sont dans bien des cas la raison de la déstructuration économique du fait de l’explosion du marché informel et de la corruption. C’est donc un projet inutile et sans aucune portée positive, puisqu’à mesure que les murs et le barbelé se renforcent, les trafiquants trouvent toujours des stratégies de contournement plus sophistiquées et surtout dangereuses.
Sur un autre plan, Trump a poussé le bouchon un peu loin, jusqu’à signer un décret de plus qui interdit l’entrée aux Etats-Unis aux ressortissants de sept pays musulmans jugés, selon lui, dangereux ; le temps de revoir les critères d’admission pour les réfugiés en provenance de ces Etats. C’est une décision discriminatoire et anticonstitutionnelle, puisqu’elle s’applique à des ressortissants disposant de papiers d’immigration en bonne et due forme. Preuve en sont ces centaines de milliers de manifestants qui n’arrêtent pas de sillonner les rues des grandes villes nord-américaines, à Los Angeles, Washington, New York, Chicago, Boston, Montréal… pour crier haut et fort leur mécontentement et leur désapprobation à toutes ces mesures inhumaines, racistes, antiéconomiques et irrationnelles décidées contre vents et marées par Monsieur Donald Trump.
Là où le sauveur de l’Amérique risquerait de se brûler les ailes, c’est à travers cette menace qu’il brandit à réviser l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) mis en vigueur en 1994 sous Bill Clinton. Rappelons-nous : l’Alena a pour but d’abolir la quasi-totalité des droits de douanes entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada et de supprimer le maximum de contraintes aux investissements afin d’encourager les échanges entre ces trois pays, de susciter une vraie dynamique économique et de permettre aux entreprises d’exercer dans la région de leur choix. Dans ce cadre, et pour ne citer que l’année 2016 pour souligner l’importance de cet accord, les Etats-Unis ont exporté l’équivalent de 360 milliards de dollars vers le Canada et 236 milliards vers le Mexique. Ils ont importé des biens et services depuis le Canada et le Mexique estimés respectivement à 397 milliards et à 296 milliards de dollars. L’Alena est donc un accord à la frontière du sacré auquel les Canadiens tiennent beaucoup. Trump se trompera gravement à s’y aventurer malencontreusement ou à oser ouvrir cette «boîte de Pandore».
Il reste à connaître sa position par rapport à l’avenir du Partenariat Trans-Pacifique, «the Trans-Pacific Partnership» ou simplement TPP. Ce traité multilatéral de libre-échange auquel tiennent beaucoup les pays membres puisqu’il vise à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique. La question est de savoir s’il sera ratifié ou ignoré, pour être jeté, sur ordre de Trump, dans les poubelles de l’histoire ? C’est sans nul doute un casse-tête pour les pays concernés, mais une simple formalité pour le milliardaire américain.
En tout cas, bien que Trump pèse plus de 10 milliards de dollars et qu’on lui reconnaît un caractère innovant et de businessman, étant fondateur et à la tête de plusieurs grandes entreprises, il demeure qu’il peut aussi se lancer dans un projet de déstabilisation de certaines régions du monde, avec naturellement le soutien de son ami Poutine. Il est donc urgent de sonner le tocsin, d’autant plus qu’il prépare l’Amérique aux techniques d’isolement et de camouflage, derrière des murs hauts et épais.
Ahcène Moussi
Economiste, président MMC Canada
Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cet espace n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas forcément la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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