La vie pour les musulmans a changé au Québec : les leçons d’un attentat
«C’est un attentat terroriste.» En elle-même, cette affirmation à propos de l’attaque contre le Centre culturel islamique de Québec montre que les habitants de cette province du Canada et plus largement de tout le pays viennent de constater qu’ils ont rejoint la «communauté internationale» des populations qui vivent avec l’angoisse de ce fléau. Ils ont la preuve concrète que le terrorisme agit partout, sans frontières et ne s’arrête aux portes d’aucun pays. Ils ont eu le concentré de ce qu’est le terrorisme : il frappe là où on s’y attend le moins, y compris dans une ville réputée paisible, dans un lieu de culte musulman, dans ce cas, et contre des personnes rassemblées pour une prière.
Autre caractéristique «commune» : la confession et la nationalité des victimes importent peu aux terroristes. Le seul effet de surprise dans l’acte barbare commis au Québec provient de l’identité et du comportement du tueur : il porte un nom à consonance «non musulmane» et il ne s’est pas fait abattre pour mourir en martyr, préférant se rendre à la police. On dit que des gens ont entendu crier «Allah Akbar !» au moment de l’attaque, mais, dans cette tuerie, il n’y a aucune trace du «label» sinistre des organisations terroristes, comme Daech ou Al-Qaïda, qui ont déjà frappé dans les capitales et dans les villes des pays occidentaux, et dont on annonce régulièrement le démantèlement des cellules. Le résultat est le même : c’est dans un autre Québec que ses habitants vont vivre dorénavant. Ils devront s’y résoudre.
Les spécialistes qui observent la vie communautaire dans cette province disent qu’il ne s’agit pas d’un «acte isolé». Ils n’évoquent pas pour le moment la catégorie des «agents dormants» qui attendent l’opportunité d’assouvir leur haine à travers ce genre de crimes. Mais les médias et les animateurs du mouvement associatif qui œuvrent au rapprochement des communautés ne manquent pas de souligner que cet acte terroriste est l’indicateur inquiétant d’une escalade dans le registre de l’islamophobie, nourrit par la xénophobie, qui touche le Canada ces dernières années.
Ils rappellent qu’une tête de porc a été déposée devant l’une des portes du centre culturel islamique pendant le jeûne de Ramadan en juin 2016 et, précédemment, dans la province voisine, l’Ontario, un incendie criminel a visé une mosquée, en précisant qu’il a été allumé au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre 2015, pour suggérer qu’il revêt un caractère de représailles. De multiples gestes de vandalisme contre leurs lieux de culte et de nombreuses marques de discrimination ont déjà plongé la communauté musulmane dans l’insécurité, alors que les familles qui la composent ont dans leur grande majorité – c’est particulièrement valable pour les Algériens – cherché à fuir l’insécurité en trouvant refuge au Québec. Le terrorisme les a rattrapés.
On peut imaginer les consignes qui ont commencé à être données – surtout à ceux qui ont un patronyme ou un faciès trahissant leur origine – sur les lieux à éviter, l’obligation de changer leurs habitudes, ne pas trop traîner le soir, faire attention, etc. La vie pour eux a changé depuis l’attaque barbare de dimanche. Car la question qui se pose maintenant est de savoir jusqu’où ira le pire en cas de riposte des barbares de «l’autre camp» ? Les réactions indiquent qu’il y a une prise de conscience de ce risque. Mais les appels à «vivre ensemble» suffiront-ils ? Pendant ce temps, la paix progresse en Syrie, comme s’il y avait une délocalisation des «guerres civiles» par contamination.
Houari Achouri
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