Afrique francophone : le Front anti-CFA se durcit
La lutte contre le Franc CFA est visiblement loin de connaître son épilogue. L’organisation non gouvernementale Urgences panafricanistes (Urpanaf), qui fait de la lutte contre le Franc CFA sa raison d’être, a appelé, dans un communiqué rendu public cette semaine, ses militants et les mouvements citoyens panafricains à se mobiliser le 11 février prochain, dans 25 pays et une trentaine de villes du monde (Amérique et Europe) pour dire «Stop au Franc CFA et à la présence militaire étrangère en Afrique».
C’est la seconde fois en l’espace d’un mois que l’ONG appelle les mouvements citoyens panafricains à se mobiliser pour dénoncer les effets pervers de cette monnaie postcoloniale, réclamer la fin de la servitude monétaire et une vraie indépendance des pays africains. L’Urpanaf rappelle dans son communiqué que son action est «surtout un événement citoyen et militant, cogéré localement par les représentants de l’ONG Urpanaf, dans une logique horizontale de convergence afin d’assurer la participation du plus grand nombre».
Le Front Anti-CFA, ajoute l’Urpanaf, a été initié en 2016 et n’a pas vocation à se limiter à une simple conférence, ni à un seul jour de mobilisation. Basée à Dakar, l’ONG Urpanaf est chargée de coordonner le processus d’internationalisation du Front Anti-CFA. Elle assure le lien entre les différentes associations ou actions et appuie la réalisation de celles-ci. L’organisation identifie aussi les sources de financement des activités liées à la campagne Anti-CFA.
L’Urpanaf, rappelle dans son communiqué, que le Franc CFA, créé par décret le 26 décembre 1945, est le fruit du système monétaire obsolète hérité de la colonisation. Il est en cours aux Comores et dans quatorze Etats en Afrique, à savoir : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République centrafricaine, République du Congo, Sénégal, Tchad et Togo.
Jamais sur le continent la question du franc CFA n’aura autant provoqué une telle levée de boucliers. Jamais aussi autant de gens se sont soulevés pour dénoncer cette «colonisation monétaire» qui plombe les blocs régionaux parmi les plus intégrés d’Afrique. Auparavant, cantonnée dans les cercles intellectuels africains sans faire de vagues, la question du Franc CFA intéresse aujourd’hui toutes les couches de la société civile africaine.
Quinze pays composent encore la zone CFA administrée via des banques centrales régionales communes directement reliées à la Banque de France. Il s’agit de huit pays ouest-africains réunis autour la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Il faut y ajouter les six pays d’Afrique centrale regroupés au sein de la Banque des Etats d’Afrique centrale (BEAC) et de la Banque centrale des Comores.
A la différence des pays de la zone CFA où les banques centrales fonctionnent sous tutelle française, plusieurs pays africains battent déjà leur propre monnaie directement gérée et régulée par leur propre banque centrale. Le rand en Afrique du Sud, le naïra au Nigéria, le cedi au Ghana, l’ougiya en Mauritanie, le lilangeni au Swaziland, le dirham au Maroc ou encore les dinars en Egypte, en Tunisie et en Algérie… au total près d’une quarantaine de pays sur les cinquante-quatre pays du continent ont leur propre monnaie. Un affranchissement monétaire qui présente plusieurs avantages.
«Un Etat moderne n’existe pas sans sa banque centrale. C’est un attribut de souveraineté existentiel comme le territoire, la population, l’armée et le Trésor public. Pour chaque Etat, la Banque centrale est l’institution publique chargée de la politique monétaire qui consiste à fournir de manière adéquate les flux d’argent et de crédit dans l’économie de la nation. C’est une institution qui est donc au cœur même de l’existence d’un Etat, de sa souveraineté, de sa performance, de sa puissance et donc des conditions de vie ou du bien-être de sa population», plaide l’économiste camerounais Babissakana. Les Africains d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest en ont aujourd’hui pris conscience. C’est pourquoi ils veulent couper au plus vite le cordon ombilical avec la Banque de France. Pour eux, ce n’est qu’une fois cela fait qu’ils se considéreront réellement indépendants.
Khider Cherif
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