Des archives prises d’Algérie sont à l’état d’abandon en France
Un volume important d’archives n’a pas encore été ouvert depuis leur rapatriement d’Algérie et sont restées dans des cartons, a indiqué un rapport de la Cour des comptes française, qui relève une conservation et un classement «souvent défaillants». A la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a effectué une enquête sur les archives nationales gérées au sein du ministère de la Culture et de la Communication et a conclu dans son rapport mis en ligne que le classement des archives «est problématique» suite à des «arriérés de tri et de traitement», y compris «un volume important d’archives non encore ouvertes depuis leur rapatriement d’Indochine et d’Algérie».
Décrivant le grand bazar, le rapport évoque les missions de collecte, de classement, de conservation et de communication des archives qui sont «assurées d’une manière inégale et souvent défaillante». Parmi les «arriérés de classement», la Cour des comptes indique que «certains fonds n’ont pas encore été déballés depuis leur rapatriement d’Algérie en 1962», ce qui renforce ainsi l’impossibilité pour les chercheurs et les citoyens de pouvoir exploiter les sources.
Le rapport a relevé cependant qu’en plus de l’état civil d’Algérie, «sont accessibles sur le site internet un nombre important de photographies (34 000) et de cartes et plans (4 300) et d’autres fonds, qui intéressent davantage la recherche scientifique que la généalogie (bureaux arabes en Algérie, missions religieuses, personnel colonial, notamment)». Il a rappelé dans ce contexte la circulaire du Premier ministre français du 4 mai 1999 qui a ouvert l’accès aux archives relatives aux massacres à Paris du 17 octobre 1961 et la circulaire du Premier ministre du 13 avril 2001 qui a ouvert l’accès aux archives en relation avec la guerre de libération nationale. Mais plusieurs associations activant en France, avec le soutien d’historiens français, demandent, pour les massacres du 17 octobre 1961, l’ouverture des archives de la brigade fluviale qui avait établi des rapports sur la récupération des corps d’Algériens jetés dans la Seine.
En 2005, un arrêté a ouvert l’accès par dérogation à des archives datant de 1951 à 1972 versées aux Archives nationales par la Direction centrale des renseignements généraux, a ajouté la Cour des comptes, indiquant que le site des Archives nationales d’Aix-en-Provence trouve son origine dans «la nécessité de trouver des locaux pour accueillir les archives rapatriées des anciennes colonies et de l’Algérie, qui étaient dispersées dans la France entière à Paris, Vincennes, Bordeaux et Marseille».
Pour l’Algérie, la Cour des comptes a évoqué un «contentieux» qui reste au sujet des archives de la période de la colonisation, rappelant que le fonds ottoman (antérieur à 1830) qui avait été emporté «par erreur» a été restitué en 1975 «après identification». «Un volume important d’archives non encore traitées subsiste, parfois encore dans leur conditionnement d’origine, faute d’avoir été déballées depuis leur rapatriement d’Algérie en 1962. Même si le manque de normalisation des classements et cotations réalisés par les services d’archives sur place, le caractère incomplet des bordereaux de versement, voire leur absence compte tenu des circonstances parfois hâtives du rapatriement, nécessitent un traitement consommateur de temps et de moyens, rien ne justifie qu’aucun instrument de recherche synthétique n’ait été établi 50 ans après le transfert des archives rapatriées au centre d’Aix-en-Provence», a précisé le rapport, qui s’interroge sur la qualité des instruments de recherche réalisés, «l’exhaustivité des inventaires n’étant pas garantie du fait de l’existence d’archives en vrac».
L’Algérie fait de la récupération des archives prises la France au lendemain de l’indépendance une question de principe. Lors de sa visite en janvier 2016 en France, le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, avait indiqué qu’une commission bilatérale a été installée pour examiner ce contentieux «très complexe» qui n’a pas encore trouvé un règlement. Des archives de 12 pays arabes ont été récupérées par l’Algérie, dont notamment la Tunisie, la Libye et l’Egypte.
R. N.
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