Les experts unanimes : «Pour vaincre le terrorisme, il faut combattre le wahhabisme»
Aux origines du terrorisme qui frappe le monde : la menace mondiale de l’idéologie wahhabite. C’est la conviction des experts réunis par le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) récemment à Paris, dans le cadre d’un colloque, le premier du genre sur ce thème, qui s’est donné pour objectif «l’analyse et la dénonciation de l’idéologie wahhabite, véritable moteur du terrorisme islamiste contemporain dans le monde», et dont Algeriepatriotique a pris connaissance du compte rendu «rédigé à partir des interventions et des textes transmis par les conférenciers».
Il ressort de cette conférence que, pour le CF2R, l’éradication de la menace terroriste passe par le combat contre l’idéologie wahhabite et par une redéfinition des relations avec l’Arabie Saoudite, «alliée de l’Occident» et qui est «l’un des Etats les plus rétrogrades de la planète», selon les termes du CF2R. Dans son intervention au colloque, Richard Labévière, que les lecteurs d’AP connaissent bien, a insisté sur «le financement direct et indirect du terrorisme par Riyad via les banques et ONG saoudiennes». Il a fait savoir que «le financement des activités du GIA algérien dans les années 1990 s’est effectué par des fonds saoudiens via des banques suisses». Selon lui, «de nombreux éléments tendent à montrer que l’Arabie Saoudite – et le Qatar – auraient effectué des livraisons d’armes aux mouvements terroristes contre lesquels l’armée française opère au Sahel».
Un autre expert, également familier à nos lecteurs, Mezri Haddad, estime qu’«il est essentiel de lutter contre le penchant des politiques occidentaux à élaborer une rhétorique selon laquelle l’Arabie Saoudite peut être capable d’instaurer un islam de tolérance» (en référence à un discours de Nicolas Sarkozy à Riyad en 2008). Le compte rendu du colloque met en relief huit points majeurs. D’abord, comme l’a énoncé Pierre Conesa, «le wahhabisme est une idéologie religieuse profondément sectaire, antisémite, raciste et misogyne, prétendant revenir au temps du Prophète». Il rappelle l’histoire de la création de ce royaume, constitué de tribus autour des Al-Saoud pour la gestion politique, et des Abdul Wahhab pour la gestion religieuse, en expliquant que son idéologie minoritaire dans l’islam n’a pu avoir une diffusion planétaire que grâce aux moyens financiers procurés par la manne des pétrodollars, en prenant appui sur le «réseau d’influence de la Ligue islamique mondiale, une ONG qui dispose d’un budget annuel estimé à 5 milliards de dollars».
A l’origine du chaos, le wahhabisme
Pour le CF2R, le wahhabisme est «en partie responsable de la situation chaotique d’un Moyen-Orient aujourd’hui à feu et à sang (Syrie, Irak, Yémen)». Faisant allusion aux Etats-Unis et à d’autres pays occidentaux dont la France, Alain Corvez constate, de son côté, que «malheureusement, l’idéologie wahhabite a trouvé des soutiens et des alliés puissants qui l’exploitent à des fins stratégiques, alimentant ainsi le terrorisme» et «bénéficie d’une totale impunité auprès de la communauté internationale corrompue par les achats de pétrole et les ventes d’armes».
La doctrine fondatrice de l’Arabie Saoudite, «l’intégrisme religieux conduisant au djihad partout dans le monde», explique, selon Pierre Conesa, pourquoi «les Saoudiens ont toujours représenté le contingent étranger le plus nombreux au sein des Talibans, des commandos du 11 septembre (15 des 19 terroristes) ou de Daech». Cette idéologie a un lien direct avec le terrorisme, souligne Alain Rodier, alors que Alain Corvez rappelle qu’à l’origine «Al-Qaïda, groupe né en Afghanistan pour lutter contre les Soviétiques, a été la première structure rassemblant les djihadistes, financée par l’Arabie et les services pakistanais, avec le soutien de la CIA américaine» et, lit-on dans le compte rendu, «Daech n’est qu’une métastase du cancer d’Al-Qaïda».
Mauvaise organisation de la riposte
Le CF2R tient à rappeler que Daech «puise ses références dans les écrits d’Abdel Wahhab et des Frères musulmans. Il adhère donc à la même idéologie que l’Arabie Saoudite». Quant à Michel Raimbaud, il a rappelé «le rôle essentiel qu’ont joué les Etats-Unis dans la fabrication de l’ennemi, avec le concept géopolitique de « Grand Moyen-Orient », cher à l’administration de George W. Bush, et dont le point d’orgue aura été l’élaboration du plan de démantèlement du Moyen-Orient qui s’est notamment traduit par l’invasion de l’Irak en 2003».
L’idéologie wahhabite se heurte à une riposte encore insuffisamment organisée dans le monde musulman. A ce propos, le CF2R cite la rencontre qui a eu lieu «à Grozny (Tchétchénie) du 25 au 27 août 2016, où 200 savants sunnites du monde entier – dont les oulémas d’Al-Azhar – ont dénoncé les dérives du sunnisme qui encouragent le terrorisme, notamment le wahhabisme, ont émis une fatwa contre elles afin de distinguer l’islam véritable de l’erreur, et ont publié un communiqué appelant les autorités politiques à soutenir les instances religieuses modérées».
Houari Achouri
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