François Asselineau à Algeriepatriotique : «La France doit quitter l’UE et l’Otan !» (I)
Pour le président de l’Union populaire républicaine (UPR), «les élites euro-atlantistes veulent précipiter la France dans le choc des civilisations». François Asselineau regrette, par ailleurs, que «tout ne soit pas mis en œuvre pour appréhender vivants» les auteurs des attentats, et que ceux-ci soient «pratiquement systématiquement tués au cours des opérations policières, même lorsque leur capture semble possible». Interview.
Algeriepatriotique : Comment décririez-vous la situation politique qui prévaut en ce moment en France ?
François Asselineau : Elle est notoirement très mauvaise, car la France traverse une crise multiforme.
D’abord, une crise économique sans fin. La croissance reste très faible et tombe régulièrement dans la récession. Ce désastre, qui dure depuis au moins une vingtaine d’années, découle directement de nos engagements européens. La totale liberté des mouvements de capitaux inscrite dans les traités européens a ouvert la voie à un torrent de délocalisations, et donc à une désindustrialisation qui vide la France de l’une de ses principales sources de richesse et d’emploi. Quant à l’euro, qui est une sorte de succédané du Deutsche Mark, il nous force à avoir une monnaie surévaluée pour la compétitivité de notre économie et nous condamne à la récession éternelle. Il provoque crise sur crise dans toute la zone euro, dans l’attente de son explosion finale que pronostiquent tous les experts sérieux.
Ensuite, une crise sociale. Car la catastrophe économique provoque un chômage de masse et en hausse constante. On estime que le nombre de chômeurs ou de personnes sous-employées en France atteint 6,5 millions, selon les données officielles. Mais il est plus proche des 10 millions, selon les données officieuses. Il en résulte une pauvreté de masse et croissante. Du jamais vu depuis les années 1930 ! Au même moment, les mesures ultralibérales, imposées là encore par les traités européens, provoquent le démantèlement des protections sociales et l’enrichissement phénoménal d’une fraction infime de la population. D’où une explosion des inégalités sociales avec sa conséquence fatale : l’explosion de la criminalité et des comportements suicidaires ou désespérés.
Enfin, cette crise économique et sociale débouche sur une crise politique et morale puisque, comme dans l’Union soviétique finissante, les partisans de l’Union européenne bloquent toute perspective d’avenir en interdisant de remettre en cause la prétendue «construction européenne» sous peine de diabolisation ou de censure médiatique.
En gros, les grands médias font croire aux Français qu’ils doivent se résigner à obéir aux institutions dictatoriales de Bruxelles, sauf à être assimilés à l’extrême-droite. Comme si vouloir reprendre notre avenir en main était synonyme de racisme et de xénophobie.
Ce tour de passe-passe visant à neutraliser toute contestation est utilisé à satiété dans tous les autres pays de l’UE. L’un des grands mérites du vote en faveur du Brexit le 23 juin au Royaume-Uni a précisément été de prouver que la sortie de l’Union européenne n’a aucun rapport nécessaire avec la complaisance pour des idées d’extrême-droite.
Vous avez déclaré après le carnage de Nice que le gouvernement français et la classe politique fait croire aux Français que la France est attaquée par l’islam et qu’elle se dirige vers une guerre civile…
Les dirigeants européistes cherchent à dissimuler leurs échecs et leur responsabilité dans la catastrophe en cours en créant de toutes pièces des sujets de discorde et des oppositions entre les Français.
L’attaque de Nice que vous mentionnez a été immédiatement présentée comme un attentat djihadiste par le gouvernement et les médias de masse. Or l’enquête a rapidement montré que l’auteur des faits menait une vie de débauche qui n’a rien à voir avec l’islam.
En outre, comme pour les attentats précédents, les véritables commanditaires et les complices demeurent inconnus. J’ai déploré que tout ne soit pas mis en œuvre pour appréhender vivants les auteurs de tous ces attentats aux fins de l’enquête. J’observe qu’ils sont pratiquement systématiquement tués au cours des opérations policières, même lorsque leur capture semble possible. Le résultat est que les enquêtes sont difficiles, progressent lentement et n’apportent pas au public d’explications définitives sur la genèse exacte de ces attentats.
J’ajoute, s’agissant du drame de Nice, que Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur et devenu Premier ministre depuis, a été accusé d’avoir demandé l’effacement de bandes vidéo de l’attaque. Cette accusation n’aura sans doute aucune suite mais elle a semé un doute profond sur les méthodes et sur la sincérité du gouvernement. La réalité est que le gouvernement a failli à sa mission de protéger les Français et que l’état d’urgence, sans cesse prolongé, n’est appliqué que de façon partielle et inefficace. Cet état d’urgence s’inscrit dans un dispositif législatif de plus en plus liberticide, qui augmente constamment la surveillance des Français, au mépris de leurs libertés et de leurs droits, et sans qu’aucun bilan objectif n’en soit jamais tiré.
Or, les Français ne prennent plus pour argent comptant les explications officielles avancées par le gouvernement au sujet de ces différents attentats.
Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à comprendre que notre pays ne peut, sans conséquences, piétiner le droit international, en intervenant en Syrie et ailleurs dans le cadre de l’Otan, et en armant de façon criminelle de prétendus «rebelles» composés en réalité de mercenaires et de fanatiques. Beaucoup comprennent que les élites euro-atlantistes veulent précipiter la France dans le «choc des civilisations» dont la théorie est développée par les think tanks américains, en faisant de l’ensemble des musulmans des boucs émissaires. Les Français comprennent aussi de mieux en mieux que le terreau du terrorisme s’alimente de la désespérance sociale, de la paupérisation et du chômage de masse engendrés par notre appartenance à l’Union européenne et à l’euro.
La collusion entre certains services secrets occidentaux et les groupes terroristes est un secret de Polichinelle. Quel lien a la France avec ces deux groupes ?
Plusieurs choses sont sûres. La France a livré des armes à des «rebelles» syriens, comme l’a reconnu François Hollande, sans que l’on sache exactement quelles armes et à quels «rebelles». Laurent Fabius, lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, avait aussi affirmé que le Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaïda, faisait du «bon boulot». Ce propos, rapporté notamment par un article du journal Le Monde de décembre 2012, avait été interprété comme la preuve d’un soutien, au moins politique, de la France à certaines franges radicales combattant le gouvernement syrien. En Libye, force est de constater que la destruction du gouvernement de Mouammar Kadhafi par Sarkozy, Fillon et Juppé a profité à des organisations terroristes.
Plus généralement, la classe politique française a noué avec des puissances du Golfe, dont le soutien à Al-Qaïda et à Daech est avéré, des relations de grande proximité, ambiguës et entachées de conflits d’intérêt, faisant planer des soupçons de corruption et de clientélisme. Plusieurs ouvrages sérieux ont été publiés à ce sujet, comme Nos très chers émirs de Christian Chesnot et Georges Malbrunot et Une France sous influence de Vanessa Ratignier et Pierre Péan.
S’ajoute à ce constat que la France intervient militairement au Moyen-Orient dans le cadre d’une coalition conduite par les Etats-Unis dont les services sont fortement soupçonnés d’avoir contribué à la création de Daech. Rappelons-nous que Trump a directement accusé Obama et Mme Clinton d’avoir créé Daech et que les Etats-Unis, première armée du monde, n’arrivent pas à défaire cette organisation terroriste après plusieurs années de lutte, alors qu’ils n’avaient pas mis un mois à s’emparer de Bagdad en 2003.
Depuis 2015, la France est le pays qui subit le plus d’attaques terroristes en Europe. Pourquoi ?
La situation qui prévaut actuellement en France n’est pas sans rappeler la situation de l’Italie pendant les «années de plomb» dans les années 1970-80, au cours desquelles des attentats de grande ampleur avaient été commis. Ces attentats, dont l’initiative fut à l’époque généralement attribuée – mais pas toujours – à des groupuscules d’extrême-gauche, eurent pour conséquence de terroriser la population et de polariser tous les débats politiques.
Or, on sait aujourd’hui que des groupes ayant partie liée avec les réseaux mis en place par les services secrets américains et britanniques en Europe dans le cadre de la guerre froide, pour contrer l’influence soviétique, n’ont pas hésité à commettre certains de ces attentats meurtriers. Ce fut le cas du terrible attentat de la gare de Bologne du 2 août 1980, qui fit 85 morts. Je vous renvoie notamment à l’historien Daniele Ganser, auteur de l’ouvrage Les Armées secrètes de l’Otan – Réseaux Stay Behind, Gladio et terrorisme en Europe de l’Ouest.
Cette expérience italienne doit nous inviter en France à observer la plus grande prudence quant à l’interprétation des attentats de 2015, surtout en l’absence de toute enquête aboutie. Peut-être n’en saurons-nous le fin mot que dans une trentaine d’années. En attendant, j’observe que les attentats ont pour conséquence de créer un état de tension permanent qui polarise, là aussi, la vie politique et qui détourne l’attention des Français du sujet politique clé de la future élection présidentielle de 2017, à savoir le triple «Frexit» que je propose de mettre en œuvre : sortie unilatérale de l’Union européenne, de l’euro et de l’Otan.
Vous affirmez que la France est victime d’une entreprise de domestication américaine. Qu’entendez-vous par-là ?
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis d’Amérique ont entrepris de vassaliser les Etats du vieux continent par le biais de l’Otan et de la prétendue «construction européenne».
Les traités européens imposent à 28 Etats fondamentalement différents d’adopter des décisions communes dans tous les domaines, de la consommation des chasses d’eau de toilettes jusqu’à la politique extérieure vis-à-vis de la Russie. Il en résulte une situation de blocage permanent entre les 28 qui tourne à l’avantage du «fédérateur extérieur» que dénonçait De Gaulle dans sa conférence de presse du 15 mai 1962, à savoir les Etats-Unis d’Amérique, seuls en mesure d’imposer leurs vues à un attelage aussi hétéroclite.
De Gaulle a tenté d’arrêter ce processus de vassalisation de la France par Washington entre 1958 et 1967, sans y parvenir. Il a ainsi retiré la France du commandement militaire intégré de l’Otan, essayé déjà à l’époque de «changer d’Europe» et cherché à doter la France des moyens de son indépendance économique, militaire et diplomatique.
De Gaulle n’a pas eu d’héritier. Les présidents de la République suivants ont accepté, les uns après les autres, que la France soit progressivement placée sous la domination de puissances étrangères et d’intérêts privés. Pour faire accepter leur trahison au peuple français, ils ont prétendu qu’ils allaient «changer l’Europe», «taper du poing sur la table», «faire plier les autres Etats», «renégocier les traités», etc.
Je suis le seul à expliquer sur toute la scène politique française que toutes les promesses d’une «autre Europe» sont des leurres parce que les traités se renégocient à l’unanimité des 28, en application de l’article 48 du traité sur l’Union européenne. Autant dire qu’ils ne se renégocient pas. Le seul moyen de mettre un terme à tous les dégâts engendrés par les traités européens, c’est d’en sortir unilatéralement, juridiquement et sereinement, par application de l’article 50 du traité sur l’Union européenne, ainsi que les Britanniques vont le faire.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
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