Une source diplomatique révèle : «Alger n’a pas besoin du Tunisien Ghannouchi pour discuter avec les Libyens»
En se posant comme un intermédiaire entre l’Algérie et les Frères musulmans libyens, le leader du parti islamiste tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, cherche-t-il à se faire une publicité gratuite sur le dos de l’Algérie ? Des responsables au ministère algérien des Affaires étrangères en sont convaincus, surtout, affirment-ils, qu’ils n’ont besoin des services de personne pour «discuter avec nos frères libyens». Pour eux, c’est certain, Rached Ghannouchi profite des portes qui lui sont ouvertes en Algérie pour prouver à l’opinion tunisienne qu’il a encore du poids et surtout qu’il est une personnalité incontournable dans les milieux islamistes maghrébins.
En faisant courir le bruit qu’il constitue une pièce importante dans une supposée diplomatie parallèle menée par l’Etat tunisien dans le cadre du dossier libyen, il escompte ainsi engranger un capital crédibilité qu’il compte capitaliser par la suite lors des prochaines élections locales tunisiennes. Le leader d’Ennahdha a compris pertinemment qu’avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, les Frères musulmans, dont dépend d’ailleurs sa formation, vont traverser des moments difficiles. Cela est d’autant plus vrai que des personnalités du Parti républicain américain projettent de présenter au Congrès un projet de loi classant la confrérie religieuse comme organisation terroriste. Aussi, se démène-t-il comme un diable pour prouver que les Frères musulmans représentent au Maghreb un courant d’opinion et une force de frappe dont il n’est pas possible de se passer.
Il n’est pas impossible d’ailleurs aussi que les Frères musulmans libyens tout autant que ses «frères» du PJD marocain l’aient sollicité pour jouer cette partition. Depuis l’annonce par le Parti républicain de sa décision d’ajouter les Frères musulmans à la liste américaine des organisations terroristes, l’alerte rouge a été donnée dans les plus hautes instances de la confrérie. La peur est aujourd’hui telle que la branche égyptienne des Frères musulmans a accepté de payer 5 millions de dollars une société de lobbying américaine qu’on leur a présenté comme étant capable d’infléchir la position de l’Administration Trump qui a décidé de faire de la lutte contre les islamistes et les terroristes un axe majeur de sa diplomatie. Le temps où le leader d’Ennahdha entrait à la Maison-Blanche sans frapper et tutoyait le patron du Département d’Etat paraît ainsi définitivement révolu.
En fin calculateur, Rached Ghannouchi voit la Libye comme un moyen de rebondir politiquement et de prouver à l’opinion internationale que les Frères musulmans peuvent encore jouer un rôle de force stabilisatrice au Maghreb et plus généralement dans le monde arabe. Dans cette épreuve de la dernière chance, le leader islamiste tunisien compte assurément sur le président turc Recep Tayyip Erdogan, lui-même affilié à la confrérie des Frères musulmans, de plaider auprès de Donald Trump la cause de tous les «frères». Erdogan a encore l’avantage, en effet, d’être un pilier de l’Otan au Proche-Orient et d’avoir des canaux de discussions privilégiés avec la CIA et la Maison-Blanche. Il ne faut pas oublier aussi que le siège de la confrérie des Frères musulmans se trouve maintenant en Turquie. Quoi qu’il en soit, le vent des «printemps arabes» a bel et bien tourné.
Khider Cherif
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