François Asselineau à Algeriepatriotique : «La guerre d’Algérie est un chapitre clos» (II)
Dans cette seconde et dernière partie de l’interview, François Asselineau affirme qu’«aucun des candidats admis à s’exprimer dans les médias de grande diffusion ne créé d’engouement et d’adhésion parmi les Français, qui sont plus méfiants que jamais». Postulant lui-même pour la fonction suprême, François Asselineau se dit convaincu qu’il est de l’intérêt mutuel de l’Algérie et de la France de «développer des relations stratégiques sur une base d’égalité et de respect réciproque».
Algeriepatriotique : La scène politique française est éclaboussée par des scandales liés à l’argent et qui concernent des candidats à l’Elysée. Les Français ne risquent-ils pas de boycotter les urnes à cause de ce climat délétère ?
François Asselineau : Des scandales financiers à répétition touchent, en effet, plusieurs candidats. Fillon se débat avec le scandale des rémunérations touchées, dans des conditions peu claires, par son épouse, par ses enfants et par lui-même. Mme Le Pen est mise en cause sur le plan judiciaire, notamment dans le cadre du financement de plusieurs campagnes électorales, au sujet de sa déclaration de patrimoine et pour une affaire d’emplois fictifs au Parlement européen. Quant à Macron, les scandales s’accumulent dans son sillage, notamment l’affaire des frais de représentation indécents, et employés d’une façon douteuse, qu’il s’est accordés au ministère de l’Economie, la privatisation dissimulée de la gestion de l’aéroport de Toulouse au profit d’un investisseur chinois mis en cause dans une affaire de corruption, et sa déclaration de patrimoine sous-évaluée, épinglée par le fisc qui, du coup, lui a fait payer rétroactivement l’impôt de solidarité sur la fortune.
Ces affaires minent le crédit de ces candidats et révèlent leur médiocrité. Si l’on ajoute à cela le mensonge qu’ils ressassent indéfiniment, selon lequel ils «changeront l’Europe» s’ils sont élus, on obtient l’ambiance délétère qui prévaut actuellement dans la campagne pour l’élection présidentielle en France.
J’ignore si la participation au scrutin sera plus élevée ou moins élevée que d’habitude. D’un côté, il y a eu un afflux inhabituellement élevé de nouvelles inscriptions sur les listes électorales fin 2016, ce qui pourrait suggérer une participation en hausse. Cela serait cohérent avec le fait que les élections européennes de 2014 et les élections régionales de 2015 ont vu des participations légèrement en hausse. Mais d’un autre côté, le climat malsain de la campagne, qui se déroule en outre sous l’état d’urgence, pourrait conduire à une abstention en progression. Il est aussi possible que le poids des bulletins blancs ou nuls progresse.
Je sais, en tout cas, qu’aucun des candidats admis à s’exprimer dans les médias de grande diffusion ne créé d’engouement et d’adhésion parmi les Français, qui sont plus méfiants que jamais. Je pense même que les électeurs sont échaudés par l’ultra-médiatisation de Macron qui, sans s’être jamais présenté à la moindre élection et bien que dépourvu de tout programme, est omniprésent sur les plateaux de télévision, dans les grandes radios et dans la presse papier.
La conséquence de tout ceci est que le processus par lequel les électeurs «cristallisent» leur choix en faveur de tel ou tel candidat tarde à venir par rapport aux élections présidentielles précédentes où, traditionnellement, le mois de janvier, pour un premier tour de scrutin fin avril, était un mois déterminant. La liste des personnes qui seront réellement candidates au mois d’avril est également incertaine. Il y aura des surprises, dont je ferai probablement partie. Je considère donc que l’élection présidentielle de 2017 en France reste très ouverte, pour peu que les médias de grande diffusion donnent leur chance à tous les candidats. L’intérêt de la campagne et la participation au scrutin en dépendront aussi.
Comment expliquez-vous l’«éclosion» soudaine de cellules djihadistes qui essaiment partout en France avec une grande facilité à recruter puis à agir ?
Je pense que trois facteurs sont à l’œuvre.
Premièrement, la France a œuvré dans le sens de forces fanatiques et criminelles dans plusieurs pays étrangers, notamment en Syrie et en Libye. Cette politique étrangère folle a servi les objectifs des recruteurs de candidats au djihad qui ont pu enrôler dans leur funeste combat sans grande entrave des jeunes Français désorientés et vulnérables.
Deuxièmement, les gouvernements français successifs ont laissé depuis plusieurs années des puissances du Golfe et des ONG étrangères diffuser en France, grâce à des moyens financiers considérables, une lecture fondamentaliste et très particulière de l’islam.
Troisièmement, l’absence de vision du futur pour la France de la part de l’élite européiste qui, en secret, a acté la disparition de son propre pays, et l’aggravation de la situation politico-sociale, livrent au désespoir une partie de la jeunesse. Une toute petite fraction de nos jeunes va malheureusement chercher le sens de l’action collective, absent du concept de «France», dans le mirage de la violence et du djihad.
Mon projet présidentiel se situe exactement à l’opposé de ces trois facteurs qui ont contribué à l’émergence de cellules terroristes en France.
Quel regard portez-vous sur les relations algéro-françaises ?
Les relations entre la France et l’Algérie sont faussées du fait de l’appartenance de la France à des ensembles géopolitiques – Union européenne et Otan – qui la contraignent à adopter des positions contraires à ses intérêts les plus fondamentaux.
L’affaire libyenne est un bon exemple. La France est intervenue contre Mouammar Kadhafi à la demande des Etats-Unis, relayés par l’Union européenne et l’Otan. Il n’est pas exclu que Sarkozy ait également obéi à des motifs personnels pour déclencher cette guerre, mais c’est le rôle de la justice française, qui est saisie, de l’établir ou pas.
Quoi qu’il en soit, la France n’avait aucun intérêt à déstabiliser la Libye : non seulement une telle action était contraire au droit international, mais encore elle a conduit à créer un foyer de purulence terroriste ainsi que des flux de réfugiés, engendrant des drames humains épouvantables en Méditerranée. Nul doute que l’action de Sarkozy, Fillon et Juppé contre la Libye a nui à la relation franco-algérienne et mis en danger la sûreté extérieure de l’Algérie, qui voit maintenant des seigneurs de la guerre prospérer à sa frontière.
Une France souveraine et indépendante, telle que je la conçois, aurait coopéré étroitement avec l’Algérie afin que le droit international soit respecté et que l’intégrité du territoire et du gouvernement libyens ne soit pas violée. Dans la Charte de l’Organisation des Nations unies, l’ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat étranger est d’ailleurs considérée comme un délit. Le «devoir d’ingérence» revendiqué en France par certaines personnalités médiatiques n’existe pas dans le droit international. Il s’agit en réalité de rétablir la loi du plus fort et d’une vision impérialiste du monde.
Plus généralement, je pense que l’Algérie et la France pourraient se coordonner étroitement pour défendre l’application du droit international et s’opposer à toutes les volontés hégémoniques émanant d’Etats ou d’intérêts privés. L’Algérie et la France pourraient entretenir une étroite concertation pour proposer ensemble des initiatives internationales, par exemple concernant la préservation des équilibres au Moyen-Orient, l’organisation de coopérations en Méditerranée ou bien encore la promotion de notre langue partagée qu’est le français et qui, selon les projections, pourrait devenir l’une des trois ou quatre langues les plus parlées dans le monde d’ici à 2050 grâce à la croissance démographique de l’Afrique.
Après plus d’un demi-siècle, la France et l’Algérie n’arrivent pas à tourner la page de leur histoire mouvementée. Le refus de la France de présenter ses excuses pour les massacres commis sur le peuple algérien n’est-il pas en cause ?
Les accords d’Evian, négociés et signés par les représentants français et algériens, ont définitivement mis un terme à la guerre d’Algérie et à la colonisation française en Algérie. C’est un chapitre douloureux de notre histoire partagée, mais c’est un chapitre clos.
Je pense que le meilleur moyen de surmonter le passé n’est certainement pas de le ressasser, en entretenant des polémiques sans fin. Comme je suis convaincu qu’il est de l’intérêt mutuel de nos deux pays de développer des relations stratégiques sur une base d’égalité et de respect réciproque, je souhaite approfondir la connaissance et la compréhension mutuelles de nos deux peuples, en favorisant les échanges et la coopération. C’était d’ailleurs exactement la vision développée dans le texte original des accords d’Evian.
Sur le dossier syrien, la France s’est complètement enlisée, mais aucune leçon ne semble avoir été retenue pour autant. Le départ de Laurent Fabius et l’avènement de Jean-Marc Ayrault au Quai d’Orsay vont-ils laisser place, à votre avis, à une politique étrangère moins agressive ?
Le problème de fond est que la France n’est pas maîtresse de sa politique étrangère. Nous sommes tenus au principe de la solidarité européenne et de la solidarité atlantique en raison, une fois encore, de notre signature au bas des traités européens et du traité de l’Atlantique nord. Notons d’ailleurs que l’article 42 du traité sur l’Union européenne place explicitement toute initiative de défense européenne sous la tutelle de l’Otan. Que ce soit Fabius ou Ayrault, le responsable qui incarne la diplomatie française n’a donc pas beaucoup d’importance.
L’avènement de Trump à la Maison-Blanche est un facteur autrement plus puissant que ce que pensent Fabius et Ayrault pour faire évoluer la situation en Syrie. Dans la mesure où le nouveau président américain a reconnu, pendant la campagne électorale américaine, que ses prédécesseurs s’étaient fourvoyés au Moyen-Orient, il est possible que le règlement du conflit syrien progresse de façon significative dans les mois à venir.
Ne pensez-vous pas que les discours politiques actuels en France sont destinés à récupérer l’électorat grandissant de l’extrême-droite, comme l’avait fait avec succès Nicolas Sarkozy en 2007 ?
Depuis quarante-cinq ans qu’il existe, le Front national n’a jamais dépassé 16% des électeurs inscrits aux élections. C’est ce que les spécialistes appellent le «plafond de verre». L’électorat du FN semble donc bloqué. En revanche, c’est l’électorat des partis européistes traditionnels, dits prétendument «partis de gouvernement» (LR, PS…) qui se réduit comme peau de chagrin, tandis que le nombre des abstentionnistes augmente, jusqu’à représenter désormais fréquemment plus de 50% des électeurs inscrits lors des consultations électorales.
C’est là le fait politique majeur : les Français rejettent en bloc les partis politiques ultra-médiatisés, Front national compris.
A rebours du désamour subi par les partis médiatisés, l’Union populaire républicaine voit, pour sa part, le nombre de ses adhérents, militants et électeurs progresser en flèche malgré la censure appliquée par les grands journaux, chaînes de télévision et radios : nous avons ainsi multiplié nos voix par 2,5 entre les élections européennes de mai 2014 et les élections régionales de décembre 2015 où nous avons obtenu près de 1% des suffrages exprimés.
Quant à moi, j’espère bien constituer la surprise de l’élection présidentielle de 2017 et que l’UPR réalise des scores inattendus aux élections législatives qui la suivront.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi
(Suite et fin)
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