Expulsion des sans-papiers algériens en Allemagne : le mensonge d’Etat de Berlin
Au vu de la pression que Berlin exerce actuellement sur la Tunisie sur la question des Maghrébins en situation irrégulière en Allemagne, il y a tout lieu de s’attendre à ce que la chancelière Angela Merkel aborde le sujet avec son homologue algérien, lors de sa visite à Alger prévue la semaine prochaine. D’après des statistiques allemandes, il y aurait 1 500 à 2 100 sans-papiers algériens ayant rejoint le territoire allemand entre 2015 et 2016. De prime à bord, le «litige» entre l’Algérie et l’Allemagne n’est pas aussi compliqué que celui qui oppose Berlin et Tunis.
Le rapatriement des Algériens en situation irrégulière devrait être assuré par Berlin qui veut s’en débarrasser rapidement. Cela devrait se faire à raison de 30 personnes embarquées sur des vols réguliers, tel que prévu par un accord algéro-allemand signé en 2006. En fait, l’accord en question a été signé en 1997 à Bonn, puis ratifié par l’Algérie en février 2006. Il stipule clairement que la reconduite des ressortissants algériens en situation illégale s’effectue par voie aérienne, sur des vols réguliers et pour un nombre de personnes ne pouvant dépasser 30 à la fois par vol, compte tenu des contraintes de sécurité, que le coût de ces opérations jusqu’aux frontières de l’Etat destinataire incombe à la partie allemande. Les choses ne pourraient cependant pas aller de soit pour quelque 600 personnes présentées comme étant de nationalité algérienne. L’Algérie a demandé à ce qu’il soit prouvé qu’ils sont bien algériens avant d’approuver leur «réadmission».
En pleine année électorale, la thématique est devenue brûlante pour la chancelière qui est attaquée jusque dans son camp pour sa politique d’accueil des migrants de 2015. L’Allemagne avait accueilli à l’époque près d’un million de demandeurs d’asile. Tout le tintamarre fait autour des Maghrébins ne tient cependant pas la route puisque, statistiquement, Tunisiens, Algériens et Marocains n’obtiennent le statut de réfugié que dans respectivement 0,8%, 2,7% et 3,5% des cas. En somme, l’arrivée des migrants proche-orientaux en Allemagne se fait au détriment des Maghrébins.
Les Tunisiens l’ont bien compris. En déplacement officiel cette semaine à Berlin, le Premier ministre tunisien a d’ailleurs rejeté en bloc les demandes de l’Allemagne qui reproche à Tunis, après l’attentat de Berlin, son manque de coopération en matière migratoire. La chancelière allemande avait indiqué samedi vouloir signifier à Berlin à son homologue Youssef Chahed que la Tunisie devait arrêter de freiner les expulsions des sans-papiers, en particulier s’agissant de personnes liées à la mouvance salafiste. Berlin adresse le même type de reproches à l’Algérie et au Maroc. Selon des statistiques fournies par le gouvernement allemand, près de 1 500 citoyens tunisiens se trouveraient actuellement en situation irrégulière.
Lors de sa rencontre mardi avec la chancelière allemande, Youssef Chahed a donc réitéré le refus de son pays d’aller dans le sens des desiderata de Berlin. La raison ? Tunis n’est pas certaine aussi que les personnes que le gouvernement allemand veut expulser sont bien de nationalité tunisienne. «Nous attendons des autorités allemandes des preuves limpides que la personne est vraiment tunisienne. Les migrants clandestins utilisent de faux papiers et ralentissent la procédure», a souligné le Premier ministre tunisien. Il a aussi minimisé l’ampleur du problème. «C’est un nombre très restreint, 1 000 personnes», a-t-il ajouté.
Il y a un an, l’Allemagne avait déjà dénoncé la lenteur des expulsions après que la police eut établi que l’essentiel des auteurs identifiés des centaines d’agressions sexuelles commises la nuit du nouvel an à Cologne étaient des ressortissants d’Afrique du Nord en situation irrégulière. Toujours dans Bild, le Premier ministre tunisien a aussi dit «non» à Mme Merkel sur son idée de camps en Tunisie pour y accueillir les migrants sauvés au cours de leur traversée de la Méditerranée depuis la Libye et empêcher ainsi leur arrivée en Europe. Sur la question, la position de l’Algérie ne devrait également pas être différente. Pas question de faire du Maghreb un immense centre de transit pour migrants clandestins. Que tout le monde assume ses responsabilités.
Khider Cherif
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