Une contribution du Dr Mehenou Amouzou – La vision de la diplomatie française sur les autres pays émergents (II)
La France demeure un empire colonial malgré le mot diplomatie utilisé pendant ces cinquante dernières années pour qualifier ses relations avec ses ex-colonies et les Etats africains en général. Le Nigeria n’est, certes, pas une colonie française mais il n’en est pas moins le miel que la France rêvait de partager avec l’Angleterre depuis des années. La France a saisi une opportunité mortelle pour essayer de concrétiser son rêve à l’encontre du jeune Etat nigérian fraîchement indépendant, conduit par des hommes valeureux et très fiers d’être africains et nigérians. Le gouvernement du Nigeria en ce temps était en colère et avait vivement protesté contre la France du général De Gaulle en raison de l’essai nucléaire opéré en Algérie par la France. Le jeune Etat nigérian avait protesté devant les Nations unies et a même demandé pourquoi la France ne réalisait pas ses essais nucléaires sur son propre territoire. Est-ce en raison de cette protestation que la France a voulu punir le Nigeria en donnant par la même occasion un avertissement fort aux autres pays africains prétendument indépendants ?
Comme tout pays nouvellement indépendant, il y a souvent des petits problèmes liés au leadership. Le gouvernement français de l’époque voulait punir le jeune Etat nigérian et sa population. Pour ce faire, il a alimenté le différend qui existait entre les dirigeants de l’Etat nigérian et la province du Biafra, en soutenant et équipant cette dernière avec des armes lourdes, des matériels de guerre, de la logistique et des fonds. Elle comptait se faire rembourser sur la manne pétrolière qui lui serait acquise lorsque la sécession biafraise serait consommée. C’est pour cette raison que la France a été le premier pays à reconnaître la sécession biafraise à l’ONU. La guerre du Biafra a coûté la vie à une centaine de milliers de personnes.
Le Mali de Modibo Keita, l’ancien président du Mali, un nationaliste et un panafricaniste fier, avait également protesté contre l’essai nucléaire français en Algérie et s’est montré solidaire du peuple algérien. Modibo Keita a payé très cher cette initiative qui s’est soldée par des sabotages économiques et politiques de son pays. Ce qui a permis au gouvernement français de déposer l’ancien président Modibo Keita qui a été remplacé par Moussa Traore. Le président Modibo Keita mourut en prison. Triste sort pour un homme intègre.
En 2011, au cours de la campagne criminelle contre le colonel Kadhafi, l’ancien président de la Libye, Teodoro Nguema Obiang, président de la Guinée équatoriale, voulait aller en Libye rencontrer le dirigeant Kadhafi avec quatre autres chefs d’Etat africains pour trouver une solution africaine à la crise. Le président Teodoro Nguema avait été sommé de ne pas mettre les pieds en Libye. Le président Sarkozy lui avait clairement fait comprendre que son avion serait abattu si jamais c’était le cas. Quelle a été la réaction de l’ONU face à ces propos de Sarkozy ? Aucune. La communauté internationale non plus n’a pas réagi. Qui sont ces donneurs de leçons ? Maintenant, c’est l’Europe et l’Afrique qui sont déstabilisées. L’Afrique francophone s’est silencieusement et automatiquement alignée sur la politique française et a été la première à reconnaître le gouvernement de transition mis en place.
La Syrie, par exemple, bien que ne se situant pas sur le continent africain, a fait l’expérience du dictat du colonialisme. La déstabilisation du pays a entraîné la mort de plus de plus de 400 000 personnes et le déplacement de plus de 3 000 000 d’autres. L’insécurité s’est étendue jusqu’en Europe. En 2008, à Paris (France), Christophe de Marjorie, l’ancien président du groupe français Total, l’ancien Premier ministre français, François Fillon, l’ancien président Nicholas Sarkozy et le président Bachar Al-Assad de Syrie en discutaient lors de sa visite dans le cadre du projet gazoduc qui a vu l’implication de la France, des Etats-Unis, du Qatar et de la Grande-Bretagne. Selon une source proche du dossier dont le nom ne peut être mentionné pour des raisons de sécurité, le président Sarkozy a demandé au traducteur de dire au président syrien Bachar Al-Assad que, sur le marché, 30% revenaient à la Syrie et 70% à la France, oubliant que le président syrien comprenait et parlait français. Le président syrien a dit non à la proposition de Sarkozy et a insisté auprès du traducteur pour qu’il lui dise que la Syrie n’est pas une colonie française. Le président Sarkozy s’était levé, a explosé de colère et menacé de mettre la Syrie à feu et à sang. On voit aujourd’hui le résultat.
Les quelques présidents intègres qui ont défendu l’intérêt de leurs pays et de l’Afrique prioritairement sont morts assassinés et leurs pays déstabilisés. Beaucoup de pays africains francophones ont pris part à la guerre au Biafra, au Nigeria, aux côtés de la France car, pour la plupart, les présidents de ces pays n’ont aucun pouvoir de décision sur la gestion de leurs propres pays. En 2011, quand la France a dit aux pays africains de reconnaître l’opposition libyenne, la majorité de ces pays francophones l’ont fait en 24 heures comme de bons élèves. La Cédéao et l’Union africaine sont devenues des instruments obsolètes au service de l’Occident. Nous avons les cas de la Libye, de la Côte d’Ivoire et, tout dernièrement, de la Gambie où sur un coup de fil de l’Occident, certains dirigeants africains se sont mis en rang.
Que peut-on penser du gouvernement sénégalais qui dit qu’il attend le mandat de l’ONU pour que les forces qu’il dirige attaquent la Gambie ? Où se trouvent la raison et l’art de la négociation ? On se rappelle le mandat de l’ONU pour désarmer Saddam Hussein de l’Irak. Mandat qui s’est soldé par la pendaison de Saddam Hussein et la déstabilisation du Moyen-Orient, de l’Europe et de l’Afrique. La Libye et la Côte d’Ivoire, n’en parlons plus. Quand le ministre de l’Information tchadien a confirmé que 40% des armes utilisées par Boko Haram sont françaises, est-ce que le Nigeria a protesté ou convoqué l’ambassadeur français pour demander des explications ? Quel est le rôle de la Cédéao ? Protéger les dictateurs dociles et loyaux à l’Occident ?
Dr Mehenou Amouzou
(Suivra)
Le docteur Mehenou Amouzou a obtenu son Master in Business à l’European Advanced Institute of Management ainsi qu’un Certificat en finance et investissement à Paris (France). Il a complété ses études dans les Relations internationales et les Stratégies politiques et de défense et a obtenu son Doctorat de philosophie en finance
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