Contribution de Youcef Benzatat – Macron n’a séduit que les maîtres des lieux à Alger
Alger ne se réduit pas à ceux qui trichent, mentent, répriment, pour confisquer la guerre de libération du peuple algérien contre la barbarie coloniale et faire main basse sur la rente. Il est certain que ceux-ci soient séduits par un soutien inespéré à un moment d’épuisement des arguments de légitimation d’un pouvoir exercé par la coercition, la dépolitisation de masse et l’achat de la paix sociale. A un moment où une véritable opposition est en train d’émerger sur les décombres de la compromission et le quémandage de strapontins des leaders des partis satellites afin de pouvoir arrondir leurs fins de mois difficiles et celles de leurs commis. Une opposition qui a eu le courage de dire non au deal contre le peuple par une redistribution de parts de la rente sous forme de quotas, lui préférant l’indignation de la chaise vide, pour continuer à résister à ce pouvoir illégitime d’Alger que Macron est venu séduire.
Comble du mépris, le samaritain Macron, au moment même où il pointe du doigt l’oubli de la lecture des droits de l’Homme par la France coloniale, il est soudainement frappé d’amnésie face à la dépossession du peuple algérien de ces mêmes droits de l’Homme par ses hôtes. «En marche !» se veut une nouvelle vision de la politique, antisystème dit-il ! Ça plaît certes à la nouvelle génération, trop déçue par les promesses non tenues des politiques, pensée unique oblige, qui ne jure que par le rejet du système. Séducteur ! Oui, Macron ne cesse de surfer sur son intrusion bruyante dans les impasses de notre temps avec un pragmatisme de félon. Il n’hésite pas à se rendre sur une terre qui a trop souffert de la barbarie coloniale pour qualifier le crime qui s’y est déroulé de crime contre l’humanité, alors qu’il ne s’est pas gêné de nommer la journaliste israélo-franco-américaine Laurence Haïm sa principale conseillère de communication. Cette même Laurence Haïm qui fut conseillère et chef de propagande dans un grand média français pour justifier le carnage «Plomb durci» de Gaza qui s’inscrit dans la pire barbarie coloniale contemporaine dont l’humanité entière y assiste impuissamment face au téléviseur au quotidien.
Certainement, Macron ne voulait pas se mettre à dos le Crif, comme ce fut le cas pour son rival Benoît Hamon. Ce dernier a dû rentrer sa queue entre les jambes et s’exécuter sous peine de tout perdre après que le Crif lui a ordonné de se séparer de l’un de ses directeurs de campagne dont le soutien actif au peuple palestinien dans sa résistance à la colonisation israélienne est très sincère et sans faille. En homme averti, Macron sait mieux que quiconque qu’une fois élu, les slogans de campagne et les promesses électorales passeront pour des déclarations romantiques juvéniles et n’inspireront que les canards satiriques et drôles. Que la colonisation française de l’Algérie soit un crime contre l’humanité, tous les hommes et les femmes sans complexe le pensent. Mais de là à passer à l’acte de concrétisation de sa pensée, c’est une autre affaire.
Pour séduire Alger, la foule qui se rend au stade 5-Juillet, non pas ceux à qui il est venu apporter soutien et réconfort, Macron devrait juste comprendre le transfert de la douleur mémorielle du supporter de football accroché dans les tribunes à son drapeau palestinien et agir en conséquence. Pour séduire Alger, il aura fort à faire dans la refondation du système éducatif de son propre pays pour que sa nouvelle génération en marche ne puisse plus reproduire ce que Théo et beaucoup d’autres vivent au quotidien. Victimes et descendants de victimes de la barbarie coloniale française devenus français de seconde zone. Mais tel n’est pas le moment venu, il faudra une autre 1789 pour que le système éducatif français puisse produire de l’humanité qui saura lire les droits de l’Homme et qui en fera son crédo pour la faire grandir en retour.
Youcef Benzatat
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