Forfanterie d’un ministre marocain : Amar Belani cloue au pilori Nasser Bourita
Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Afrique-Asie, Amar Belani, ambassadeur d’Algérie en Belgique et auprès de l’Union européenne (UE), revient sur les récentes déclarations du ministre délégué marocain Nasser Bourita dans lesquelles il a qualifiée de «non-sens» la déclaration des représentants du Front Polisario, soulignant le fait que siéger à l’UA en présence de la RASD vaut reconnaissance de son existence. A ce propos, Amar Belani précise que «personne n’a évoqué une reconnaissance de jure, dont le dernier des collégiens connaît les conditions, mais la question concerne la reconnaissance de fait, car le Maroc ne peut faire autrement que d’admettre implicitement la présence de la RASD et de reconnaître que celle-ci lui est opposable». Pour l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, la sortie de Nasser Bourita, dans laquelle il assure également crânement que «l’objectif du retour du Maroc dans le giron de la famille institutionnelle vise avant tout à geler la participation de la RASD, voire à l’exclure de l’UA», montre à quel point le Maroc ne croit pas une seule seconde à ses «plaidoyers passionnés sur les vertus de la coopération Sud-Sud, sur l’expansion économique solidaire et commune ainsi que sur des proclamations sur un engagement fédérateur qui serait loin des débats stériles semeurs de divisions».
Le diplomate algérien rappelle à l’occasion que «l’adhésion du Maroc à l’UA n’aurait pu être acceptée sans l’abandon de l’exigence du retrait simultané de la République sahraouie, membre fondateur de l’UA». Et d’ajouter : «La ratification par le Maroc, sans réserves, de l’Acte constitutif de l’UA fait que cet instrument lui oppose de manière irréfutable l’obligation de se conformer au principe de l’intangibilité des frontières héritées du colonialisme.» Selon M. Belani, «l’interprétation saugrenue de ceux pour qui les réserves formulées par le Maroc en 1963 au moment de la création de l’OUA restent valables est à côté de la plaque vu qu’il s’agit d’une adhésion et non d’une réintégration à une nouvelle organisation».
Par-delà ces arguments fallacieux, poursuit l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, «la présence du Maroc au sein de l’UA aux côtés de la RASD constitue, comme l’a souligné le ministre Ramtane Lamamra, un changement fondamental de circonstances qu’il faut positiver et à partir duquel il faut ouvrir de nouvelles perspectives, et c’est à cela que l’UE devrait s’atteler prioritairement en appliquant rigoureusement l’arrêt de la Cour de justice de l’UE».
En réponse, par ailleurs, à la partie marocaine qui affirme que «la flamme de l’UMA s’est éteinte et que l’idéal maghrébin se trouve trahi», Amar Belani pense que «ce constat est excessif et qu’il ne correspond pas tout à fait à la réalité qui nous impose, au contraire, de fournir davantage d’efforts pour consolider le processus maghrébin sur des bases saines». A l’occasion, le diplomate algérien insiste sur l’idée que l’Algérie demeure profondément attachée à l’idéal maghrébin en tant qu’objectif stratégique et aspiration profonde des peuples maghrébins.
Qui donc a fait en sorte que la flamme ne soit pas entretenue ? Pour Amar Belani, la réponse est claire. C’est le Maroc ! «Sans entrer dans le détail, je dois juste rappeler quelques faits historiques : ce n’est pas l’Algérie qui a gelé officiellement sa participation aux travaux de l’UMA en 1995, ce n’est pas non plus le gouvernement algérien qui a déclaré ‘‘inopportune’’ la visite de travail d’un chef du gouvernement en 2005 et ce n’est certainement pas l’Algérie qui a remis en question le consensus partagé lors du sommet de Zéralda de juin 1988 – qui a servi de plateforme pour le lancement de l’UMA en février 1989 – selon lequel la relation bilatérale et le processus de l’intégration maghrébine doivent être préservés et découplés de la question du Sahara Occidental qui fait l’objet d’un traitement adéquat au sein des Nations unies conformément à la doctrine onusienne de décolonisation», assène l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles.
Evoquant les relations entre l’Union européenne (UE) et le Maroc, Amar Belani prévient que «l’indulgence singulière affichée à l’égard de Rabat ne doit pas être le prélude à un accommodement qui mettra à mal le respect de l’Etat de droit tel que consacré par l’article 2 du Traité sur l’Union européenne». «Les arrêts de la CJUE ont force exécutoire à compter du jour du prononcé et ni le conseil, ni la commission, ni le Parlement européen ne peuvent revenir sur ses jugements. Il faut s’attendre à une mobilisation intense au niveau du Parlement européen pour que l’arrêt soit effectivement transposé dans la réalité des rapports que l’UE entretient avec le Maroc, notamment en ce qui concerne le champ territorial des accords conclus ou en cours de négociation avec ce pays», affirme-t-il.
Dans la foulée, M. Belani informe que l’accord de pêche qui couvre explicitement les eaux du Sahara Occidental dans son champ territorial a fait l’objet d’une saisine de la cour. Ce sera, a-t-il dit, la prochaine station pour stopper la spoliation des richesses naturelles d’un territoire occupé tant que le consentement du Front Polisario ne sera pas sollicité et obtenu.
A l’occasion, l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles a indiqué qu’«on ne peut que se féliciter de la décision des compagnies danoises de cesser leurs activités illégales à partir du Sahara Occidental». «Nul ne doute que dans le sillage du retrait des chaînes de distribution suisses, ce désengagement danois fera boule de neige et d’autres compagnies européennes envisagent d’ores et déjà de suivre ce mouvement», assure le diplomate algérien.
Khider Cherif
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