Colonisation et jeu de mots
Par R. Mahmoudi – L’atypique candidat français à la présidentielle s’est une nouvelle fois exprimé, samedi, lors d’un meeting à Toulon (sud) sur la polémique suscitée par la petite phrase qu’il avait lancée, mardi dernier, à Alger, en tentant – campagne électorale oblige – de canaliser les sentiments d’indignation qui se sont manifestés dans certains milieux de droite et, notamment, chez les anciens pieds-noirs, nostalgiques de l’Algérie française. Ainsi, au lieu de «crimes contre l’humanité», il a cette fois parlé de «crimes contre l’humain». «J’ai dit, en effet, les responsabilités de la France quant à son passé, pas simplement en Algérie, quant à notre passé colonial. Et on doit le regarder en face ce passé colonial, et oui, c’est un passé dans lequel il y a des crimes contre l’humain», a-t-il dit.
Si, sur le plan juridique, il y a bien une différence entre les deux énoncés, car un crime contre l’humanité est non seulement puni par la loi, notamment française, mais aussi suppose l’ouverture d’une procédure judiciaire complexe qui dépasse sans doute la personne de Macron. Sur ce plan, le candidat français a dû se rendre compte, après coup, de l’existence d’une loi qui amnistie tous les crimes commis par l’armée française durant la période correspondant à la «guerre d’Algérie» (1954-1962).
Reste que d’un de point de vue moral, la nuance introduite par Macron dans son discours ne change rien à la criminalisation de la France, qu’il avait clairement énoncée dans son interview à une chaîne de télévision algérienne. En ce sens, les deux versions justifient une demande de pardon à la France pour tous les crimes commis par son armée en Algérie durant toute la période coloniale. Chose qu’aucun homme politique français de cette stature n’avait encore exposée, avant lui, en public. Même si la déclaration d’Emmanuel Macron s’inscrit davantage dans le cadre d’une campagne électorale où, comme on le voit – dans l’affaire Fillon – tous les coups semblent permis.
Il faut donc s’en tenir à l’aspect positif de cet «aveu», et espérer que d’autres politiques français aient le même courage et brisent ce lourd carcan dogmatique dans lequel la classe politique française s’est enfermée en ce qui concerne le passé colonial de la France en Algérie et dans le reste de ses anciennes colonies. L’ex-ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, pourtant très critique vis-à-vis de la politique algérienne, a été le premier à exprimer son soutien à Emmanuel Macron, en avouant que son pays doit, enfin, reconnaître ses crimes en Algérie. Le tabou est enfin brisé.
R. M.
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