La littérature, le charognard et les pavanes de beuglant
Par Abdellali Merdaci – L’écrivain et chroniqueur Kamel Daoud, qui a gardé intacte sa morgue contre de fantomatiques «élites» (précédemment qualifiées d’«algéroises» et de «gauche») qui l’ont critiqué dans un récent passé et continuent à l’accabler avec, semble-t-il, le même entrain, témoigne d’intenses moments de vérité, dans un long entretien dans El-Watan (14 février 2017). Prenant vivement la parole à l’occasion de la parution de son recueil de chroniques de presse (Mes indépendances, Alger, Barzakh-Arles, Actes Sud, février 2017), il évoque, pour s’en dédire, les pièges de la société occidentale où il est allé chercher et construire dans la fulgurance son succès : «Je ne suis pas un intellectuel de service fantasmé chez moi ni un intellectuel organique venu du Sud pour servir des combats idéologiques de l’Occident. Je sais que je fais face à une mécanique immense qui me dépasse, mais je reste lucide.» Il avait déjà mis à l’épreuve cette stratégie défensive dans une chronique du newsmagazine français Le Point («A quoi sert un intellectuel du Sud ?», 26 janvier 2017) en n’excluant pas comme une fatalité pour l’intellectuel du Sud sa possible «utilisation par l’Occident». Certes, mais lucide, Daoud l’a-t-il été constamment en cette année 2014 qui a été, pour lui, celle de tous les défis, embringué à Paris – pour ne pas dire recruté – contre le système qui règne en Algérie, l’arabité contrariée et les Arabes tordus, l’islam en croquemitaine et les Palestiniens repoussés dans l’indifférence ? C’était sur les plateaux de radios et télévisions parisiennes où il enchaînait les tours de force quasi-convulsifs de la promotion d’un court récit Meursault, contre-enquête (Barzakh, 2013-Actes Sud, 2014), un météore dans le ciel littéraire de la France.
Kamel Daoud est né et a grandi littérairement, au-delà de toute espérance, dans le malentendu et il continue à le fomenter en aiguisant la confusion entre le billettiste et l’aspirant à une carrière littéraire, l’un servant l’autre. En 2014, convient-il de le rappeler, la nouveauté pour les Français n’était pas la découverte du récit Meursault, contre-enquête, qui n’a jamais fait débat, mais de son auteur en campagne de promotion bouillonnant dans de rageuses postures. La spectaculaire promotion d’un livre était devenue celle d’un «insoumis» (le terme est en vogue aujourd’hui et Daoud le revendique) qui entendait, depuis Paris («la capitale du monde», se rengorge-t-il), abattre les murs de la citadelle algérienne et plus encore ceux de toutes les illusions et croyances érigées devant la liberté des hommes. Sacrée mission de sauveur de l’humanité, sous l’angle désincarné des caméras de France et d’Occident, pour un écrivain débutant qui a tout à prouver.
L’école des cadavres
Il faut reconnaître à Daoud une démarche autant périlleuse qu’audacieuse de gestion de carrières, celles du journaliste et de l’écrivain, à un rythme souvent démoniaque, usant ses captifs entourages successifs, fourvoyant les uns et les autres, en de brèves séquences d’amitié ou de copinage, au profit de son exclusif devenir, répudiant sans trouble de conscience ceux qui lui ont mis le pied à l’étrier. Il en fournit, sans sourciller, le mode d’emploi à El-Watan : «Il y a des récupérations, des enjeux politiques et des tentatives de vous impliquer dans des débats idéologiques fondamentaux en Occident. J’en suis conscient, je résiste et je travaille toujours à déconstruire cette mécanique ou à en faire une machine à mon bénéfice.» Bénéfice ? Voilà le maître-mot de Daoud, sous réserve de savoir ce que sont les dividendes d’agaçantes félonies qui tiennent, effectivement, de la «machinerie». Soit, mais il n’est pas établi qu’il ait roulé dans la farine le matois Bernard-Henri Lévy, son extravagant protecteur exhibant effrontément le sang libyen sur ses blanches mains et ses cols de chemise empesés, et enfumé Alain Finkielkraut, Michel Onfray et Régis Debray, roués philosophes. Aurait-il gagné, si aisément, dans cette phalange médiatique et littéraire parisienne, passéiste et islamophobe, la confiance de Pierre Assouline, puissant lobbyiste sioniste du champ littéraire germanopratin, défendant farouchement sa candidature au Prix Goncourt 2014 et lui obtenant, en 2015, le Goncourt du premier roman en lot de compensation ? Il aura donné des gages à ses bienveillants amis, chantres d’une islamophobie suintant des caniveaux de la pensée.
Daoud en personnage balzacien, cultivant la ressemblance de Lucien de Rubempré, jusque dans la sottise, ne cache pas son extravagante ambition de succès et de fortune. Inévitablement poseur, il remémore comme un pieux souvenir ses haltes oranaises, sans domicile fixe, la faim lui broyant les entrailles, dans une ville calfeutrée derrière ses portes à dix-sept heures. Il vient de loin, en effet. Et de Massera-Mostaganem à «El Bahia», ce n’est pas seulement une question de distance kilométrique. Au sortir d’une cahotante licence de langue française à l’Université d’Oran, il est accueilli, au début des années 2000, par l’hebdomadaireDétective, pâle copie du titre de presse populaire français, qui met invariablement à sa «une» le sexe et le sang. Apprendra-t-il dans cet univers glauque les rudiments du métier de journaliste ? Il est difficile de le savoir, tant le milieu (on s’excuserait presque du vocable) des médias de l’Ouest est réputé impénétrable. Il quitte l’obscure feuille oranaise sans un mot d’adieu parce qu’il a trouvé mieux dans le tout procheQuotidien d’Oran. A-t-il vraiment le temps d’exercer sur le terrain, au contact du réel formateur ? Il est promu rédacteur en chef de la publication et impose ses mordantes diatribes au rez-de-chaussée de la page 3 du journal oranais pour accéder rapidement à une audience nationale ; il y rédige des billets de 600 signes à l’aïoli et aux oignons frits, ordinairement fumeux, dans une langue approximative lorsque le correcteur de service ne s’y est pas abîmé les neurones.
Cette syntaxe heurtée du billettiste, cette morphologie du verbe français scabreuse, ce vocabulaire de la dérision en toutes choses séduisent les lecteurs algériens et bientôt les bobos parisiens qui ne dédaignent pas ses solécismes de demi lettré indigène. Et une esthétique du pire nourrie fielleusement. Résumons : Le Quotidien d’Oran et son rez-de-chaussée comme un repaire commode et la franche raillerie qui écrase les prétentions des officiels et les sermons d’imams rebouteux. Aux yeux de l’establishment médiatique, Kamel Daoud a forgé – par effraction – une identité de cisailleur bourru, qui lui ouvrira, le moment venu et choisi, bien de portes à Paris. Un Algérien qui houspille le système et le président de la République dans un journal qui traîne comme un boulet sa proximité d’avec le pouvoir, qui crache son mépris au plus fort de l’opération militaire israélienne «Plomb durci», l’été 2014, pour Gaza meurtrie et les Palestiniens, qui vomit son horreur de l’Arabe et de l’islam, qui conchiera le migrant, désignant le sexe migrant comme une incurable et rémanente pathologie et une tragique catastrophe, voilà un inespéré et providentiel client pour les médias parisiens, qu’entendent parfaitement leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, pleurant une Algérie française perdue ou une Algérie indépendante qui conjugue au présent leurs mécomptes. Daoud s’éloigne peu à peu du Quotidien d’Oran, qui lui a tout donné et permis, pour une chronique au Point, relayée par La Stampa, en Italie, et The New York Times aux Etats-Unis d’Amérique. Flamboyante réussite, qui abhorre toute fidélité et contrat de confiance. Car pour Daoud, qui martèle «la force adverse est mon moteur», la vie est une implacable compétition sans morale, un infini saut d’obstacles : Le Quotidien d’Oran plutôt que Détective, Le Point, La Stampa, The New York Times, effaçant Le Quotidien d’Oran.
Cette marche forcée, de l’inconsistant Détective oranais au somptueux quotidien new-yorkais, n’est pas exempte de calculs et de déloyautés. Le chemin du succès de l’ambitieux de Massera est jonché de cadavres. Ainsi il n’hésite devant aucune foucade, aucune intempérance, pour monter vers les cimes de la célébrité, quitte à céder aux peu honorables «castings» de l’intellectuel du Sud, avec un seul objectif : dynamiter les siens. La méthode est-elle infaillible ? L’affaire de Cologne, clairement analysée par l’essayiste Ahmed Bensaada et le critique Ali El-Hadj Tahar, où il s’était montré empressé et sommaire dans son jugement, a été le chant du cygne de celui que le gotha médiatique parisien a récompensé en raison d’une attitude victimaire surjouée dans ce drame du Nouvel An en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Les événements de Cologne se sont pourtant conclus devant les bois de justice germaniques levant les accusations de viols et prononçant un non-lieu pour les prévenus jetés aux chiens. Le chroniqueur devra-t-il s’en excuser ou exprimer des regrets ? Il ne le fera pas. Dans son étroit entendement, l’Arabe, le Noir, l’Asiate ont toujours tort, traînant d’insortables tares originelles et de farfelues histoires de sexe au point qu’il faille, avertira-t-il, les formater préalablement avant de les admettre dans la civilisation d’Occident. Un Occident qui s’arrête dans sa géographie entortillée à Tokyo, grande cité d’Orient, capitale du Japon : «Mais nous devons admettre que l’Occident représente la civilisation. Elle n’est pas dans le désert de l’Afghanistan. Elle est à Paris, Londres, New York et Tokyo.» En fait, une absurde ligne de délimitation spatiale du progrès technologique qui n’est consenti qu’à l’Homme Blanc. D’où l’incroyable inversion des parallèles.
La posture du charognard
Le critique est gêné lorsqu’il s’agit de gloser l’œuvre littéraire de Kamel Daoud, qui n’existe pas. Sa production est bien mince pour en tirer une synthèse. Il a publié Meursault et quelques opus minimalistes qui relèvent sur le plan stylistique plus de l’infecte tambouille que de l’épure. Les raisons pour lesquelles les maîtres-penseurs germanopratins ont poussé le maigre récit de Daoud vers la lumière et les tableaux des meilleures ventes des magazines n’ont rien à voir avec la littérature. Il est connu que les agents d’influence du champ littéraire parisien peuvent consacrer à leur gré comme chef d’œuvre littéraire mondial les pages du «Bottin». Autrefois Jacques Brenner (2006) et Mathieu Galey, dont le journal censuré au moment de sa parution posthume (1987-1989) vient d’être réédité dans son intégralité, ont mis en cause la perversité et l’infamie de l’institution littéraire française et de ses prix littéraires, qui ont transformé la littérature en objet industriel et marchand, appâtant le gogo dans de terribles mises en scène d’écrivains. A la case «Algérie» : Sansal en «voyageur d’Israël», Djemai démolisseur de frontières, Daoud arrogant prophète de désastre, et aussi de sombres faiseurs embusqués, à l’instar du dernier Bachi compissant d’insanités l’islam, qui ne demandent qu’à améliorer leur haineuse partition pour gagner un strapontin dans les agapes littéraires parisiennes.
L’écrivain Daoud ne récuse pas la démarche oblique du chroniqueur. Ceux qui l’introduiront dans le monde des livres lui serviront dans son infernale lutte d’ego de tête de pont («gantra» en algérien), sans état d’âme. C’est Fréha Benamadi (1951-2015), fondateur des éditions oranaises Dar El Gharb, qui le premier inscrira son nom sur une couverture de livre, réunissant en volume ses billets du Quotidien d’Oran sous le titre même de la rubrique «Raïna Raïkoum» (2002) ; il publiera aussi ses infatuées tentatives littéraires (notamment La fable du nain, 2003 ; Ô Pharaon, 2005). Et toujours, cette fureur du sauteur de haies enfiévré, qui n’en finit pas de bondir depuis qu’il a découvert la littérature – particulièrement française – dans les opulentes poubelles de Messera et Mostaganem. L’ambition est d’aller plus vite et toujours plus haut : Dar El Gharb ne peut être aussi valorisante que Barzakh, aux proverbiales accointances avec l’édition provinciale française, qui ne tarde pas à acheter les droits de ses pochades oranaises pour les revendre à l’éditrice parisienne Sabine Wiespiser. Et, surtout, à le faire entrer chez Actes Sud.
Commandé par Sofiane Hadjadj et Selma Hellal, animateurs de Barzakh, le récit Meursault, contre-enquête, publié en 2013, apparaissait dans le contexte du centenaire de la naissance d’Albert Camus comme une ferme réponse algérienne à L’Etranger (1942), soumise à un équitable appel d’offres aux cadres de la maison, remporté par Daoud. L’ouvrage chargé de fioritures, présenté au Sila 2013, passe inaperçu. En traversant la mer, il devient un hommage à l’écrivain pied-noir d’Algérie, salué par la critique littéraire française, Camus était encore dans l’actualité d’une commémoration solennelle. Cette édition française sous les auspices d’Actes Sud, diffusée au printemps 2014, est la preuve de la souplesse d’échine de l’apprenti-écrivain acceptant que son texte tombe sous les fourches caudines des héritiers Camus, qui y ont semé des repentirs et exigé la réécriture sous le contrôle de son éditeur français de certaines parties impliquant directement l’auteur de L’Etranger. Reniement ? Pour Daoud, ce ne sera jamais le dernier.
Le Meursault de Daoud, phagocytant L’Etranger, ne peut être placé dans le registre convenu du dialogue d’œuvres et de leurs réseaux inter et transtextuel, que sollicite classiquement la recherche universitaire. Au départ, l’intention de l’auteur et de ses commanditaires de Barzakh était de créer un «anti-Meursault». Le résultat est nul : où est-il donc ce personnage de «l’Arabe» faisant contrepoids à Meursault pour marquer l’histoire littéraire et en constituer un symbole ? Daoud a été dans l’échec absolu de le créer et de le faire vivre. L’imposture littéraire est alors trop criante (et même déplaisante) lorsqu’il se surprend à parler étonnement et éhontement de Meursault et de son «expérience» de Meursault, comme s’il l’avait lui-même créé, comme s’il en était le père, en en dépossédant son auteur. Dans le discours chaotique qu’il livre à El-Watan, il s’attelle lourdement à l’image hallucinée du père (et de ses substituts). L’aura-t-il seulement tué, déterré et dépecé, dans une transe nocturne de charognard des lettres ?
Le silence des cimetières
Il n’y rien de remarquablement exceptionnel dans la démarche d’écrivain de Daoud. Comme Sansal et beaucoup d’autres écrivains d’Algérie en France, il s’est détourné de la littérature de son pays, pauvre en lecteurs, en librairies, en ressources et en consécrations, qui sont accessibles en France et en Occident. L’idée tenace qu’ils partagent est que la littérature des Algériens se fait à Paris et cet impérialisme littéraire semble irréductible. Lorsque Régis Debray, spécialiste de «médiologie», peinant à déconstruire le phénomène Daoud sordidement créé par les médias français et ses inavouables «castings», intégrait complaisamment dans une cérémonie mondaine du Paris littéraire son Meursault au «trésor de la littérature française», ce qui en soi était ridicule dans un pays qui possède de sublimes œuvres et de grandes figures de la littérature mondiale, l’auteur-bourlingueur de Massera avait oublié de faire valoir son algérianité évaporée dans les limbes.
Un écrivain, bien coté sur les deux rives de la Méditerranée, rencontré récemment, me confiait l’œil humide : «La France, ça paye !» Bref et éloquent viatique : à l’image de Sansal et de Daoud, il suffira à l’Algérien, le moins doué et le plus braillard, signataire d’un manuscrit emberlificoté, de s’en emparer et de «taper», depuis Paris, sur Bouteflika et le caverneux «système d’Alger» pour être élu par l’édition et les médias français, éperdument à l’affût de «refuzniks» de l’ancienne colonie. Misère de perfides dissidences stipendiées ? Comment appelait-on déjà ceux qui ont porté le fusil pour la France d’Algérie et versé le sang de leur peuple opprimé ? Comment devrait-on nommer ceux qui portent une plume acrimonieuse pour une nation revancharde, toujours embourbée dans son passé colonial, qui s’est engagée sous l’étendard avachi des Bruckner, Zemmour, de Villiers, Camus (Renaud), Ménard, Millet (Richard), Polony, dans de nouvelles croisades contre l’islam de France, qui continue, loin de Daech et du Moyen-Orient, l’affrontement identitaire d’une société française de souche bataillant contre ses banlieues et leurs Français-musulmans inassimilables ? Kamel Daoud leur enseignera, avec profit, son parcours dans l’islam, lui qui en a véhémentement récusé les fondements chez Ruquier et Finkielkraut, qui excipe désormais du droit à le comprendre et en dresser d’ineptes exégèses au nom d’un unique critère à hurler : «Et moi, je n’ai tué personne» ; comme si l’islam ne devrait être qu’une redoutable et insondable histoire de tueries. Pathétique.
Celui qui se réclame désormais de ses «indépendances» s’est volontairement engagé dans les «castings» de l’Occident qu’il prétend dénoncer après en avoir avidement recherché les retombées, pour se faire un nom et une situation en France. A Paris et ailleurs, il en demeure d’inoubliables prestations, certaines à l’aune d’un «bouchkarisme» de sinistre mémoire : Daoud peut se targuer d’états de services dont l’indélébile ternissure de Cologne n’est pas la moindre. Comment peut-il s’en défendre ? Maintenant qu’il pense être durablement établi à Paris, entretenant l’esprit de la rente propre au milieu des lettres françaises où il a acquis son couvert dans de légendaires sauteries, il se montre moins aigre et cruel envers le «système d’Alger», pittoresque marchepied de son ascension, pour imputer sa coupable existence au peuple et à l’histoire tourmentée de l’indépendance : «Je critique le régime parce qu’il est un aspect de la déception et de notre échec, mais tout n’est pas la faute du régime. Si tout était la faute du régime, le régime est de notre faute.» Ne circonscrit-il pas le cercle de meurtrières évidences ?
A défaut de génie, la fortune littéraire de Kamel Daoud ressortit de l’équivoque. Comme jadis dans ses colonies, la France sait inventer ses caïds et séides d’opérette qui font le job, lançant ses mots d’ordre à ses sujets tétanisés. C’est une affreuse plaisanterie de croire qu’un de ses mandants crotté, sortant d’une foire néo-indigène avec son burnous brodé et ses galons rutilants, qui mange dans ses écuelles frelatées, changera le monde. Ce n’est pas la laborieuse et fade copie d’un Etranger à rebours qui est fêtée en France, mais un billettiste hâbleur et enhardi, voguant sur une conjoncture politique extrêmement favorable, semant ses coups de pied de l’âne, lui valant une inattendue et indécente «surmédiatisation». Au nom de quelle œuvre d’écrivain de longue haleine ? Ceci devrait être redit : ce n’est pas l’œuvrette, imitation de néophyte narquois, qui fait polémique, mais ce qu’il a pu proférer insidieusement dans ses marges pour être accrédité en France et en Occident. Ce n’est pas le contenu insipide de Meursault qui fait question, mais la manière de le valoriser par les incartades et les bouffonneries répétées du chroniqueur. J’ai pu l’écrire en différentes circonstances : le seul bénéfice qui devrait être accordé à Daoud, c’est celui du doute. Il est légitime qu’il envisage une vraie œuvre littéraire ; mais en est-il capable en retrouvant la vertu du travail, loin des coups d’éclats médiatiques dont l’Occident est friand lorsqu’il ne les suscite pas, qu’il sait orchestrer (ainsi la «vraie fausse fatwa» de Hamadache-Zeraoui) pour s’arrimer à un succès de scandale ? Daoud pourra-t-il atteindre à la reconnaissance du lectorat non pas par le tapage médiatique qui enfle à ses semelles, mais par un imaginaire revivifié de la littérature et du littéraire, loin des sinistres accommodements du champ littéraire germanopratin et des bruits mortifères de la foule ?
Décidément, à côté de l’imposture politique, il y a l’inquiétante posture du charognard littéraire s’appropriant et vampirisant le Meursault de Camus, jusqu’à présent son seul acte de gloire littéraire corrompue, qui se sustente du silence des cimetières. Est-ce à ce délirant écrivaillon, improvisé en chevalier blanc de la littérature en habit de kermesse, que la France délégitimée confie la folle mission de faire bouger notre monde quand les efforts conjugués de ses maîtres Trump, Poutine et Xi Jiping n’y peuvent rien ? Même un chansonnier de cabaret parisien en pavane n’aurait pas imaginé et écrit en lettres d’or au fronton de son beuglant cette triste supercherie.
Abdellali Merdaci
Professeur de l’enseignement supérieur, écrivain, critique
Comment (35)