La candidate de l’extrême-droite française Marine Le Pen se rendrait-elle en Algérie ?
La question mérite d’être posée après son voyage au Liban, escale choisie par son principal concurrent à la présidentielle, Emmanuel Macron, quelques jours avant de se rendre en Algérie pour lancer, comme on l’a vu, un pavé dans la mare, en qualifiant la colonisation de «crime contre l’humanité». Même si la chose paraît difficile à imaginer dans la conjoncture actuelle, après sa déclaration vilipendant justement la petite phrase de Macron et rappelant toute sa haine de l’Algérie et des Algériens, héritée de son père, Jean-Marie Le Pen, ancien tortionnaire de l’armée française.
Mais ce serait justement l’occasion, pour elle, de revoir sa position, de s’aligner sur la nouvelle perception qui se dessine chez les jeunes leaders politiques français et d’effacer cette image diabolisée à outrance qu’elle véhicule, eu égard à ses idées stéréotypées sur l’immigration, l’intégration et, plus globalement, sur les questions relatives à l’identité et à la citoyenneté. Aussi, les postures idéologiques de son parti, le Front national, sur la mondialisation, l’impérialisme, l’islam politique le rapprochent naturellement des pays du Tiers-Monde et plus particulièrement des pays de la sphère arabo-islamique.
Ce serait le moment pour Marine Le Pen de briser un tabou et de prouver sa capacité à surmonter ses propres atavismes et à diriger ainsi un Etat qui entretient des relations, particulières, mais denses, avec l’Algérie et qui est, en tous les cas, condamné à accepter des compromis, y compris sur la question d’histoire, pour les améliorer.
Le choix du Liban et de l’Algérie pour ce grand pèlerinage des deux candidats les plus en vue de l’élection présidentielle française peut s’expliquer par des motivations électorales, mais aussi politiques, car il leur permet de se positionner à la fois sur des questions d’actualité liées à la situation d’instabilité que vit une partie du monde arabe et sur le rôle futur qu’ils souhaiteraient jouer, au nom de la France, dans cette partie sensible du monde. Il se trouve que le Liban et l’Algérie ont en commun une position généralement neutre dans les conflits actuels, et plutôt hostiles à l’ingérence étrangère.
Les deux candidats français en ont profité à la fois pour se donner une stature internationale qu’ils n’avaient pas et lancer des messages politiques destinés à une opinion française en quête de nouveaux repères. Marine Le Pen, qui a été reçue à Beyrouth successivement par le président chrétien, Michel Aoun, et le Premier ministre sunnite pro-saoudien, Rafic Hariri, ne s’est pas gênée de provoquer l’ire de ce dernier et aussi des médias parisiens, en s’attaquant au «terrorisme islamiste» et, surtout, en soutenant que le maintien de Bachar Al-Assad au pouvoir était «une solution rassurante».
R. Mahmoudi
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