Le Pr El-Mouhoub Mouhoud : «En matière d’immigration, la France a fait tout faux !»
Professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine et spécialiste de la mondialisation et des migrations internationales, El-Mouhoub Mouhoud explique dans une émission dédiée à l’immigration et diffusée cette semaine par la chaîne de télévision Berbère TV que certains pays tirent leur force économique de leur capacité à puiser des compétences du stock mondial de connaissance et à accueillir de manière massive des étudiants, de la main-d’œuvre qualifiée ou non et des scientifiques. Ce qui n’est pas le cas de la France, soutient-il.
El-Mouhoub Mouhoud assure que telle qu’elle est actuellement formulée, la politique migratoire de la France n’est pas du tout attractive aux yeux des «cerveaux» des pays du Sud. C’est la raison pour laquelle, dit-il, que les Algériens qualifiés ou non préfèrent ces dernières années s’établir dans les pays anglo-saxons comme les Etats-Unis et le Canada. La tendance pourrait néanmoins changer avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, fait-il remarquer. «Il est contreproductif de stigmatiser les migrants non qualifiés et l’immigration familiale. Cette attitude ne conduit pas forcément à attirer la main-d’œuvre de bonne qualité», affirme El-Mouhoub Mouhoud.
L’universitaire explique qu’il y a un lien entre le choix de la destination des migrants et le climat politique qui règne dans le pays de destination. «Lorsque vous envoyez des signaux négatifs qui ne sont pas fondés au plan économique, les gens ne viennent plus», soutient El-Mouhoub Mouhoud.
Revenant au cas de la France, l’auteur d’Immigration en France. Mythes et réalité dément l’idée que l’immigration tue l’intégration. Selon lui, la majorité des populations issues de l’immigration se sont bien intégrées. Pour El-Mouhoub Mouhoud, les problèmes des banlieues sont le résultat d’une triple ségrégation : territoriale, ethnique et sociale. «Cette ségrégation, poursuit-il, est elle-même la conséquence directe de l’échec de la politique d’aménagement du territoire, de la politique du logement, de la politique du marché du travail et de la politique d’éducation.» Au final, affirme El-Mouhoub Mouhoud, s’est produit un «effet d’éviction» en même temps que se sont créés des ghettos où ne sont restées que les populations immigrées plus vulnérables.
A mentionner que contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, il n’y a actuellement pas une «explosion» de l’immigration en France. La part des immigrés et des étrangers en France est, certes, en hausse depuis trente ans mais à un rythme qui est loin de l’«explosion» et qui ne s’accélère pas sur les dernières années. En 1982, la France comptait 4 millions d’immigrés (nés étrangers dans un pays étranger) et 3,5 millions d’étrangers (vivant en France sans avoir la nationalité française) pour 55 millions d’habitants. En 2011, la France comptait 5,4 millions d’immigrés et 3,7 millions d’étrangers pour 65 millions d’habitants. Ramenée en pourcentage de la population, c’est donc en trente ans une hausse de 1,2 point de la part d’immigrés (de 7,2% à 8,4%) et une légère baisse de la part d’étrangers (de 6,3% à 5,8%).
Khider Cherif
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