Lettre d’un Algérien à Christian Estrosi
Par Habbib Boucetta – On ne sait pas si vous avez proposé les pommes niçoises aux Algériens ou si vous voulez les imposer, ce qui est bizarre quand cela vient d’un maire et non du ministre de l’Agriculture… En parcourant votre carrière, je découvre que vous êtes un fils d’immigrant italien et qui a abandonné le lycée, ce qui veut dire que vous n’avez pas un bac comme bagage académique, ce qui est inapproprié politiquement parlant. Comme proposition commerciale, tout le monde peut la prendre en considération vu le prix qui doit être bas, sauf qu’entre les pommes algériennes et celles de Nice, il existe bien des différences. Et pas juste une.
Vos pommes sont disponibles 365 jours par année vu qu’elles sont cultivées sur un sol bourré d’engrais de Monsanto ; nos pommes ne sont disponibles qu’entre le 1er novembre et le 5 juillet et sont issues d’un sol béni par le sang d’un million et demi de martyrs, donc elles sont doublement bio et authentiques.
Vos pommes sont juste des pommes à manger ; les nôtres sont toute une histoire… Chaque Algérien voit en la pomme qu’il déguste une série d’images qui défilent entre le sourire de Ben M’hidi, le regard de Ben Boulaïd, la moustache d’Amirouche et ainsi de suite. Je ne peux citer 1,5 million, mais je me rappelle d’eux à chaque seconde de ma vie et à chaque souffle que je respire.
Vos pommes sont amères, fausses et maquillées, car elles poussent dans un pays qui ne veut pas reconnaître le génocide qu’il a commis envers une nation. Pourtant, c’est un geste de civisme, ce civisme que vous chantez sur chaque onde de radio et de télévision… Les nôtres sont celles du pays qui a mis fin au colonialisme en Afrique du Nord, du pays qui a toujours été debout pour les causes nobles et justes – y compris la cause palestinienne, je cite celle-là à bon entendeur – et du pays qui a fait pleurer des milliers un certain 1962 sur la Baie d’Alger en les chassant après une Révolution qui a marqué l’histoire.
Nos pommes sont plus chères sur le marché des braves, sont plus juteuses dans les bouches des révolutionnaires et sont dures à éplucher. Aucun individu rationnel n’acceptera le faux devant l’authentique.
Enfin, M. Estrosi, un petit rappel pour ceux qui n’ont pas le bac et qui gouvernent une grande ville occidentale : l’Algérie est un pays souverain depuis 1962. Ce n’est pas grave, il se peut que vous ayez raté des cours d’histoire, il n’est jamais trop tard pour bien faire et même plus facile de nos jours avec Wikipedia et Google. Donc, comme conclusion, vous pouvez suggérer vos pommes à vos amis sionistes vu qu’eux aussi ils cultivent le poison sur des terres volées…
Dans le commerce, on doit commencer par proposer la marchandise aux plus proches, pas aux plus loin. N’est-ce pas, M. l’ex-maire de Nice ?
Nos autorités n’ont pas réagi à votre proposition ; j’imagine qu’elles ne peuvent perdre le temps avec quelqu’un qui a raté son bac. Donc, ils nous laissent l’espace de le faire en tant que simples Algériens. On va garder cette proposition dans les annales du rire, probablement ; on va raconter à nos enfants cette blague, en leur disant, un jour, un maire de Nice a décidé de vendre des pommes sans aucune qualification de vendeur à la sauvette. Et cela pourrait amuser nos enfants.
H. B.
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