Crise libyenne : le travail de coulisses de Béji Caïd Essebsi
Bien que désavoué autant par l’Algérie que par son propre pays, le leader du parti islamiste tunisien Ennahdha, Rached Ghannouchi, a dernièrement multiplié les contacts avec les islamistes libyens et continué à faire dans ce qu’il appelle la «diplomatie populaire». Il n’investit néanmoins plus seul le «créneau». Rached Ghannouchi est rejoint par un autre leader politique tunisien. Il s’agit de Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti de gauche, le Mouvement du projet pour la Tunisie (MPT).
Ce dernier a rencontré, mercredi 22 février 2017 à Benghazi, le maréchal Khalifa Haftar, commandant en chef de l’Armée nationale libyenne (ANL). Cette rencontre, qui a eu lieu en présence d’une délégation du MPT, a été l’occasion d’«échanger les points de vue sur la situation régionale et la guerre commune aux deux pays contre le terrorisme», a précisé un communiqué du parti.
Mohsen Marzouk, a, par ailleurs, affirmé que son parti ne joue aucun rôle entrant dans les prérogatives de la diplomatie tunisienne, de la présidence de la République ou du ministère des Affaires étrangères. Et comme Rached Ghannouchi, il a précisé qu’il a préalablement informé le chef de l’Etat de cette rencontre et qu’il se réunira avec Béji Caïd Essebsi pour lui en soumettre le contenu.
Rached Ghanouchi et Mohcen Marzouk ont-ils réellement pris de leur propre chef l’initiative de se mêler du dossier libyen ? De nombreux politologues tunisiens assurent que non. Pour eux, il aurait été impensable que ces deux chefs de partis prennent attache avec des acteurs de la crise libyenne sans l’aval du président tunisien. Selon eux, Rached Ghannouchi et Mohcen Marzouk ont bel et bien été missionnés par Béji Caïd Essebsi. En clair, il y a une grande connivence entre les trois personnalités.
Les mêmes observateurs expliquent que le président tunisien recourt à la diplomatie parallèle pour ne pas avoir à assumer un éventuel échec. Selon eux, la Présidence tunisienne doit estimer aussi que la diplomatie parallèle présente des avantages que ne recèle pas la diplomatie officielle. Elle peut même s’avérer parfois plus efficace. La source ajoute que ce n’est pas la première fois, sous l’ère Essebsi, que la Tunisie utilise des canaux informels pour traiter avec des «parties» étrangères.
Alors, pourquoi Béji Caïd Essebsi a-t-il récemment «lâché» publiquement Rached Ghannouchi ? Des politologues tunisiens estiment que le président tunisien a dû déjuger le leader islamiste en raison de la trop forte pression médiatique et, sans doute aussi, de la protestation d’Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, qui n’a à l’évidence pas apprécié que certaines choses passent au-dessus de sa tête.
Quoi qu’il en soit, la rencontre de Béji Caïd Essebci avec le très médiatisé maréchal Khalifa Haftar prouve que Béji Caïd Essebsi, un homme politique issu de la vieille école, n’est pas encore prêt à se passer de ses réseaux informels. Logique. Comment en effet se passer d’un Ghannouchi qui, contrairement à beaucoup, est capable d’ouvrir plus d’une porte en Libye… Et même ailleurs. Les Tunisiens ne sont-ils pas connus pour être de grands pragmatiques ?
Khider Cherif
Comment (8)