Khemaies Jhinaoui : «La Tunisie ne sera jamais une source de danger pour l’Algérie»
Présent à Alger pour la réunion du comité de suivi de la Grande commission mixte algéro-tunisienne, le ministre des Affaires étrangères tunisien, Khemaies Jhinaoui, a réaffirmé dans un entretien accordé au quotidien arabophone Echorouk la position de son pays sur deux points très sensibles à l’échelle régionale : l’inexistence d’une diplomatie tunisienne parallèle dans le dossier libyen et l’inexistence aussi de bases militaires étrangères en Tunisie. Sur le premier point, certes, il fait preuve d’une certaine prudence pour affirmer qu’«à sa connaissance», les entretiens des responsables algériens avec Rached Ghannouchi n’ont pas du tout concerné le dossier libyen, tout en affirmant qu’il n’y a pas, côté tunisien, de diplomatie parallèle pratiquée par le chef islamiste d’Ennahdha sur ce dossier.
Au passage, selon la même source, Khemaies Jhinaoui reprend la thèse avancée par Ouyahia à propos de la rencontre de ce dernier avec Ghannouchi et un dirigeant islamiste libyen, Ali Salabi, au domicile du leader d’Ennahdha. Il affirme que cette rencontre s’inscrit dans le cadre de relations partisanes et non dans le cadre du dossier libyen. Par ailleurs, il fait savoir que les audiences accordées par le président Bouteflika à Ghannouchi n’inquiètent personne en Tunisie.
A propos de la Libye, il fait constater qu’en raison de l’absence d’un gouvernement central, la Libye est devenue un refuge pour les organisations terroristes, ce qui constitue une menace pour les Libyens eux-mêmes ainsi que pour la Tunisie et pour l’ensemble de la région, dont l’Algérie. D’où l’intérêt des pays voisins à agir pour la stabilité de la Libye, ce qui est l’objet d’une initiative appuyée par Alger qui s’est concrétisée, souligne-t-il, en Egypte, au cours de la réunion des 19 et 20 février dernier, par l’adoption de la déclaration de Tunis, réaffirmant l’option de la solution politique qui viendrait des Libyens eux-mêmes et le rejet de la solution militaire.
Pour le ministre des Affaires étrangères tunisien, les Libyens, quelles que soient leurs différences et leurs régions, doivent s’asseoir à la table des négociations dans un contexte libyen, sous les auspices de l’ONU, sans que personne ne leur impose de solution de l’extérieur. Il parle d’une solution complète, c’est-à-dire, précise-t-il, celle qui unit et ne divise pas ; la solution qui les éloigne de la menace du terrorisme. Il estime que l’accord de Skhirat (Maroc) comporte des insuffisances, mais c’est aux Libyens de les corriger. Concernant les interférences extérieures à la région, dont on parle beaucoup, il ne rejette pas les démarches des autres parties (Italie et Russie) et pense qu’elles doivent aider les Libyens à trouver une solution à la crise. Tout le monde essaie de soutenir les Libyens, mais la responsabilité fondamentale revient aux Libyens et non pas à l’extérieur, insiste-t-il.
Sur les bases militaires étrangères, Khemaies Jhinaoui est évidemment plus affirmatif pour dire que la Tunisie n’en abrite aucune. C’est une position de principe pour la Tunisie qui ne sera jamais une source de danger pour son voisin de l’Ouest (l’Algérie), dit-il. Il rappelle que la Tunisie a refusé d’abriter des bases à l’époque de la guerre froide, elle ne va pas le faire maintenant que les relations sont privilégiées avec l’Algérie. Au contraire, il y a une protection mutuelle entre les deux pays qui affrontent un ennemi commun qui est le terrorisme. Il laisse entendre que cette rumeur mensongère peut servir sans doute les intérêts de ceux qui ne veulent pas que la relation stratégique entre les deux pays soit aussi excellente.
Autres points abordés par le ministre tunisien : les perspectives de coopération dans le développement des zones frontalières ; l’UMA avec l’annonce d’une réunion début avril au Maroc entre les ministres des AE et d’une rencontre informelle à Tunis ; Ligue arabe (favorable au retour de la Syrie) ; les terroristes tunisiens qui combattent à l’extérieur, il n’y a aucune statistique fiable, mais ils seraient, selon lui, des centaines (et non des milliers) ; enfin, pas de démarche de réconciliation nationale en Tunisie, les criminels terroristes sont condamnés.
Houari Achouri
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