Le lieutenant de Khelil de la prison pour espionnage à la présidence de Sonatrach
Le nouveau PDG du groupe Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, n’est pas inconnu au secteur de l’énergie. Il n’y a pas fait ses preuves grâce à quelque prouesse particulière, mais pour sa proximité avec le ministre de l’Energie de l’époque, Chakib Khelil, et l’ancien véritable patron de Sonatrach sans mission précise, Réda Hemch. Les deux hommes régnaient en maîtres absolus sur ce secteur névralgique. En effet, Abdelmoumen Ould Kaddour faisait partie du pré-carré des «cadres privilégiés» par Chakib Khelil et qui avaient connu une ascension fulgurante.
Ould Kaddour avait été placé par Chakib Khelil à la tête de Brown and Rooth Condor (BRC), une joint-venture algéro-américaine détenue à hauteur de 51% par Sonatrach et 49% par Haliburton. Après quelques années de gestion, Abdelmoumen Ould Kaddour s’est trouvé au cœur d’une grave affaire d’espionnage et d’intelligence avec des puissances étrangères. Une affaire qui remonte à 2007. L’enquête menée par les services de sécurité sur instruction du président Bouteflika avait abouti à des preuves accablantes contre le nouveau PDG de Sonatrach. Et c’est le tribunal militaire de Blida qui avait condamné le 26 novembre 2007 Abdelmoumen Ould Kaddour à 30 mois de prison ferme pour «divulgation d’informations classées secret défense». Ould Kaddour a été libéré en mars 2009 après avoir bénéficié d’une liberté conditionnelle.
Sa nomination à la tête de Sonatrach est une réhabilitation qui ne dit pas son nom. Au-delà de ses compétences supposées, Abdelmoumen Ould Kaddour traîne un passif qui ne le qualifie pas à la fonction qu’il occupe actuellement. Outre cette affaire de «secret défense», Ould Kaddour était pointé du doigt notamment dans la gestion de BRC. L’usage abusif de la formule de gré à gré dans l’octroi des marchés au profit de cette entreprise mixte avait provoqué une vive polémique à l’époque et donné lieu à des soupçons de corruption. Le chef de l’Etat avait été destinataire d’un rapport détaillé de toutes les activités de cette compagnie. Un rapport qui mettait en relief les nombreux grands projets décrochés par BRC auprès de Sonatrach, du ministère de l’Energie et des Mines, mais aussi du ministère de la Défense nationale.
L’opacité qui entourait les activités de BRC avait poussé le président Bouteflika à exiger la dissolution de cette société mixte en janvier 2007.
Jamais BRC n’avait présenté de bilan de ses treize années d’activités intenses en Algérie, touchant à la fois à l’énergie et à d’autres domaines comme la défense nationale. Elle avait construit des dizaines de casernes pour l’armée et la Gendarmerie nationale. BRC avait eu tout au long de son existence des marchés de sous-traitance pour une valeur de plus de 70 milliards de dinars. Mais le gros avait été décroché durant la période où Abdelmoumen Ould Kaddour occupait le poste de PDG et Chakib Khelil ministre de l’Energie et des Mines.
La nomination d’Ould Kaddour à la tête de Sonatrach est-elle le prélude au retour programmé de Chakib Khelil aux affaires ? Jamais inquiété dans les affaires qui ont éclaboussé le groupe énergétique national, Chakib Khelil, qui n’a pas bénéficié de la couverture médiatique qu’il aurait souhaité depuis son retour des Etats-Unis, continue de sillonner le pays en se faisant inviter par des organismes et des associations pour discourir sur les «meilleurs moyens» de sortir le pays de sa crise actuelle.
Sonia Baker
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