La situation du patrimoine archéologique syrien représente un drame culturel
L’expert en patrimoine culturel, Mounir Bouchnaki, a estimé lundi à Alger que la situation des biens archéologiques de pays arabes, particulièrement en Syrie, représente un «drame culturel» et une atteinte à la mémoire de l’humanité toute entière.
S’exprimant lors d’une conférence sur le patrimoine culturel dévasté en temps de conflits armés, Mounir Bouchnaki, qui avait dirigé le Centre régional arabe pour le patrimoine mondial sous l’égide de l’Unesco, est longuement revenu sur les pertes subies par le patrimoine archéologique de Syrie, mais aussi en Irak et en Libye.
Evoquant le drame culturel vécu dans les villes syriennes d’Alep et de Palmyre ou encore à Mossoul et Nimrud, en Irak, l’expert a tiré la sonnette d’alarme sur la situation du patrimoine archéologique en Libye, «le plus important champ de vestiges romains» du bassin méditerranéen, exposé à la destruction qui s’est étendue aujourd’hui, affirme-t-il, aux stations rupestres de la Tadrart Acacus, un site qui se prolonge jusqu’en Algérie dans le Tassili n’Ajjer.
La situation de ce patrimoine dans certains pays arabes est telle, a ajouté l’expert international, que «le débat est porté devant le Conseil de sécurité de l’ONU» et que la réflexion sur «nécessité de créer des zones sécurisées» pour la protection du patrimoine en temps de conflit est amorcée à un niveau international.
A ce sujet, poursuit-il, seules la Suisse et l’Autriche ont déjà pris des dispositions en créant «chez eux» des zones sécurisées de protection des collections de musées.
Interrogé sur l’apport de l’Unesco aux sites algériens classés au patrimoine mondial, l’expert a rappelé que l’agence onusienne n’avait «aucune autorité» et se devait de «respecter la souveraineté» des Etats membres qui se sont «engagés à mettre en application les principes et conventions» de l’Unesco par des mécanismes internes.
Pour lui, les sites archéologiques de Timgad et de Djemila «posent problème en matière de conservation» en raison de l’organisation de festivals non loin de ces zones qui nécessitent, à son avis, de nouvelles opérations de fouilles.
Des archéologues algériens avaient par le passé alerté sur les dégâts causés aux sites archéologiques exposés à une activité humaine intense.
Ratifiée par l’Algérie en 1974, la Convention du patrimoine mondial adoptée en 1972 compte aujourd’hui 193 Etats parties.
L’Algérie compte sept sites archéologiques inscrits à la liste du patrimoine mondial.
Le nombre de classements de ces sites dans la région arabe, estimé à une soixantaine, a encore dit Bouchenaki, est «très faible» comparé à la seule Italie où l’on en dénombre 51.
En collaboration avec le ministère de la Culture, Mounir Bouchnaki prévoit d’organiser à l’attention des experts africains et arabes, en septembre prochain à Alger, un atelier sur l’élaboration de dossiers de classement.
Au cours de la conférence, Mounir Bouchnaki, aujourd’hui consultant auprès de l’Unesco, a présenté des extraits et des illustrations de son dernier ouvrage Patrimoines mutilés, ces trésors de l’humanité défigurés par la folie de l’homme.
R. C.