Les Français s’inquiètent de la prolifération de jeunes Marocains drogués dans les rues
Spectacle courant au Maroc depuis de longues années, mais situation inédite à Paris, les jeunes enfants marocains renifleurs de colle posent de sérieux problèmes aux riverains des quartiers parisiens où ils s’installent, aux autorités municipales et aussi à la police. Le consulat du Maroc a été interpellé par les autorités françaises sur ce phénomène pour savoir s’il ne s’agit pas d’enfants sous l’emprise de réseaux criminels, car beaucoup de zones d’ombre entourent leurs parcours. France Info a consacré ce matin un reportage à ces jeunes marocains drogués qui sont «rétifs au dispositif de prise en charge traditionnel» et sèment la terreur à Paris. Ce reportage réalisé par Jerôme Jadot évoque la réaction désemparée des autorités et des services sociaux qui ne savent pas comment réagir face à ce fléau.
Le reporter de France Info est allé à la rencontre d’un de ces enfants qu’il a observé en train de franchir la grille d’un square dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à l’heure de sa fermeture, et se faufiler pour s’installer au fond du parc. «A intervalles réguliers, dit-il, on voit un sac en plastique orange qui se gonfle et se dégonfle à hauteur du visage du garçon. De temps en temps, il sort de sa poche un tube de colle forte, en garnit les parois du sachet et replonge le nez dedans.» Il décrit l’enfant comme «agité, l’œil vitreux, courant dans un sens puis dans l’autre», mais désireux de parler. Il apprend qu’il a 11 ans – «même s’il en paraît plus», précise le reporter –, et qu’il est venu en France pour travailler. Le reporter constate l’agressivité imprévisible de l’enfant, qui tente de lui «chiper» les clés de sa voiture.
Dans le quartier, il y a d’autres enfants marocains dans la rue, drogués, qui racontent au reporter de France Info des parcours similaires : départ du Maroc, passage par l’Espagne pour quelques mois ou années, puis arrivée en France. Ils viennent, déguenillés, sniffer la colle dans ce square ; l’un d’entre eux vient de sortir d’une garde à vue pour le vol d’un téléphone portable dont la vente lui permet d’acheter des baskets et un pantalon chez les vendeurs à la sauvette. Un autre – 14 ans, dit-il, mais qui en paraît plus, souligne le reporter – a quitté ses parents restés à Fès, a séjourné à Barcelone plusieurs mois, mais sans y trouver du travail, puis est arrivé en France où il est déçu.
Ce phénomène des enfants de la rue, drogués, a été repéré dans d’autres pays européens, note le reporter. Il cite «l’Espagne, la Belgique ou même encore la Suède», mais pour lui, la situation est inédite en France à la fois par le très jeune âge des enfants et par la toxicomanie. Les riverains sont face à une menace à laquelle ils ne s’étaient pas préparés. Chaque soir, les adolescents occupent le square pour inhaler les vapeurs de colle. Ils ne sont pas encore de véritables «ennemis publics», mais les agressions se multiplient.
«Shootés, hystériques, le regard vide», ils passent la nuit parfois dans des voitures en stationnement dont ils forcent les portes. Ce sont des dégradations que supportent de moins en moins les riverains, rapporte Jerôme Jadot. Ces enfants, qui errent chaque soir par dizaine ou plus, sont de plus en plus violents, notamment à l’égard des femmes âgées et également des touristes, avec usage d’armes blanches. Un témoin a fait état d’une tentative d’égorgement d’un enfant qui a été sauvé grâce à l’intervention du Samu.
L’emprise de la drogue empêche toute démarche visant à les raisonner et à les amener à changer de comportement, déclare un commerçant riverain des lieux. Les policiers parlent d’enfants très virulents qu’ils ne peuvent qu’envoyer dans des foyers d’accueil où «ils cassent tout et finissent par sortir». C’est un échec, reconnaît la police. Le recours par la mairie de Paris à une association et au recrutement d’un interprète, la mise à la disposition des enfants d’un accueil de jour où ils peuvent se restaurer, se laver et se reposer, un foyer leur est ouvert où ils peuvent passer la nuit, tous ces efforts ne donnent aucun résultat. «La drogue ne facilite pas les choses. Quand l’effet de manque se fait ressentir, aucun travail éducatif n’est possible», constatent les services sociaux chargés de remédier à cette situation.
Houari Achouri
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