«Proclamation de l’islam en France» : la riposte de Dalil Boubakeur au Front national
Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris, vient de signer un document intitulé «Proclamation de l’islam en France», présenté comme «le texte qui fonde un islam en France», par Le Point qui l’a publié en exclusivité. L’hebdomadaire français qualifie ce document d’«historique» et considère qu’il «précise les conditions d’exercice de l’islam en France». On peut rapprocher l’initiative de Dalil Boubakeur de l’intervention publique, il y a une semaine, sur le même thème de Karim Ouchikh, avocat au barreau de Paris et président du SIEL (Souveraineté, identité et libertés, décrit comme un parti politique souverainiste principal allié du Front national).
Karim Ouchikh déclare sur un ton péremptoire qu’«en France, l’islam doit être mis sous la tutelle de la puissance publique !». En réponse, Dalil Boubakeur «condamne la tendance actuelle à vouloir désigner des autorités de tutelle n’étant pas de confession musulmane aux fins d’encadrer avec paternalisme l’expression du fait religieux musulman dans la société française : ceci au mépris de la liberté religieuse et de la séparation des églises et de l’Etat».
A l’attaque en règle contre l’islam menée par le président du SIEL – «ce modèle de civilisation s’oppose aux principes fondamentaux qui structurent l’univers de pensée européen» –, le recteur de la Grande Mosquée de Paris constate «la montée en puissance au sein de la société française et parmi tout un pan de ses élites politiques, médiatiques et intellectuelles d’une extrême diabolisation de la minorité musulmane : l’islamophobie. Cette dernière est la conséquence de l’islamopsychose, qui est une représentation délirante, c’est-à-dire déconnectée de la réalité, de ce que sont réellement l’islam et les Français de confession musulmane».
Dalil Boubakeur a la ferme volonté de faire remplir à la Grande Mosquée de Paris, «institution créée par une loi d’Etat», «ses responsabilités au sein de la communauté musulmane française en termes de réflexion, d’interprétation et d’éclairement religieux» et d’en faire un rempart contre l’islamophobie et contre l’«interprétation erronée de l’islam reposant sur une lecture du texte sélective, partiale et au premier degré qui conduit à l’obscurantisme, à la pédanterie ignorante, à la misogynie, au sectarisme et au refus des valeurs républicaines». «L’islam, écrit-il, implique les vertus de tolérance et de bienveillance, car seul Dieu est juge.»
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris donne sa définition de l’islam en France (en le différenciant de l’islam de France). Il est, écrit-il, «la résultante de la réinterprétation du texte dans le contexte, c’est-à-dire l’ijtihad». Il appelle les musulmans à se conformer à ce qui est un véritable guide de bonnes pratiques pour ne pas heurter, en fait, la société française dans laquelle ils vivent. «La France, rappelle-t-il, n’est pas une terre d’islam : elle est une terre où coexistent plusieurs religions, dont l’islam, ainsi que des habitants qui sont athées ou agnostiques.» Il illustre son propos par le rappel de la tradition prophétique qui dicte que «la pratique de la prière ne doit en aucune manière produire du désordre ou du trouble».
La publication de cette proclamation à ce moment précis trouve certainement son explication dans la dure campagne électorale qui s’annonce en France et qui risque de donner prétexte à toutes les surenchères islamophobes.
Houari Achouri
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