Normalisation avec Israël : les islamistes attendent Mohammed VI au tournant
Il n’y a pas qu’au niveau arabe que Mohammed VI, président du comité Al-Qods, est critiqué pour sa complaisance à l’égard d’Israël, pays dont les dirigeants œuvrent pour la judaïsation du troisième lieu saint de l’islam. Un document sur lequel vient de mettre la main le hacker marocain Chris Coleman révèle que la colère monte aussi au Maroc où le Parti de la justice et du développement (PJD) a tenté, à maintes reprises, de mobiliser l’opinion marocaine contre les reniements du Makhzen.
La dernière grande montée au créneau du parti dirigé par Abdelilah Benkiran, qui avait provoqué une panique générale au sein du Makhzen, remonte à 2009, soit l’année où le Maroc avait abrité le Forum de l’avenir, «une entité fondée dans le but d’imposer, d’une manière souple, la normalisation avec l’Etat d’Israël». «Conscient de cela, le PJD n’a pas caché son mécontentement envers ce Forum créé par la France et les monarchies arabes», rapporte Chris Coleman.
Dans un communiqué rendu public par son groupe parlementaire, le PJD avait alors ouvertement accusé la monarchie marocaine d’avoir choisi d’abriter le Forum de l’avenir et de s’en servir comme l’un des leviers d’une coupable «politique de normalisation» délibérée avec Israël.
Mohammed VI s’est néanmoins arrangé pour que la révolte du parti islamiste soit étouffée dans l’œil avant qu’elle ne se répande dans les rues du Maroc. Bien évidemment, ce sont ses barbouzes et les éléments de sa police politique qui se sont chargés d’étouffer la voix du PJD. Le Makhzen avait été alerté sur les intentions du parti majoritaire, alors dans l’opposition, par Karim Bouzida, un agent de la DGED. Dans une note adressée à sa hiérarchie, il avait notamment attiré l’attention sur «le danger de voir la politique de normalisation du Maroc avec Israël critiquée par le PJD». Karim Bouzida avait également accompagné sa «note d’alerte» d’une série de propositions destinées à faire échec à la campagne du parti islamiste. Le PJD venait quelque part de signer son arrêt de mort.
Dans le fond donc, ce qui dérangeait le Makhzen ce n’est pas tant que Mohammed VI soit tancé pour son inertie vis-à-vis du projet de judaïsation du troisième lieu saint de l’islam mais plutôt la remise en cause de la «dynamique» de rapprochement entre le Maroc et Israël. A posteriori, cela explique la raison pour laquelle Mohammed VI tente par tous les moyens, huit années plus tard, d’évincer le PJD du gouvernement malgré sa victoire aux législatives. Pour le Makhzen, le parti de Benkirane est perçu comme un empêcheur de tourner en rond dont il faut absolument se débarrasser.
La peur du PJD s’expliquait alors par le fait notamment que ses leaders ont cherché aussi à impliquer dans leur protesta des formations d’autres sensibilités politiques. La police politique marocaine s’était d’ailleurs empressée pour accuser le parti de Benkirane d’instrumentaliser la cause palestinienne pour «tisser ou raffermir des fils de rapprochement avec les partis dits progressistes (USFP, PSU…), des organisations des droits de l’Homme (AMDH) et des mouvements islamistes prohibés (JAOI)».
Dans tous les cas, l’initiative avait donné des sueurs froides au Makhzen qui avait craint de voir ce mouvement de mécontentement emporter le trône. Les impressionnantes protestas qui ont agité le Maroc l’année dernière montrent que Mohammed VI n’est toujours pas à l’abri d’un cataclysme politique, surtout qu’il s’entête toujours à jouer avec le feu, autant en interne qu’à l’international.
Khider Cherif
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