Contribution d’Amar B. – L’UE et son double standard sur le statut des territoires occupés
Le 27 mars dernier, la Haute Représentante de l’UE, Federica Mogherini, a fourni aux eurodéputés une réponse éclairante sur le statut des territoires occupés. Bien qu’il s’agisse, en l’occurrence, des territoires palestiniens occupés, le parallèle avec le territoire occupé du Sahara Occidental est non seulement pertinent, d’un point de vue morale, mais incontournable du point de vue du droit européen et du droit international.
S’adossant à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (C-386/08 Brita de 2010), la Haute Représentante a souligné que les produits des colonies israéliennes ne pouvaient pas bénéficier d’un traitement douanier préférentiel dans le cadre de l’accord commercial UE-Israël en raison du caractère distinct du territoire de l’Etat d’Israël et des territoires occupés.
On retrouve là les mêmes fondements et les mêmes conclusions que ceux de l’arrêt du 21 décembre 2016. Sauf que dans le cas du Sahara Occidental, la commission s’échine à trouver une «base légale appropriée», la moins inacceptable pour le Maroc, pour étendre de manière plus que discutable les tarifs préférentiels pour les produits issus des territoires sahraouis occupés, alors que l’arrêt de la CJUE a statué que l’accord d’association UE-Maroc et les accords subséquents ne s’appliquaient pas au Sahara Occidental.
Dans le cas des territoires palestiniens occupés, l’UE et Israël appliquent un «arrangement technique» en vertu duquel le code postal et les informations de localisation doivent figurer sur toutes les preuves d’origine établies en Israël, vérifiées par les autorités douanières de l’UE contre une liste d’emplacements non éligibles à la préférence.
Selon Mme Mogherini, l’UE examine également l’inclusion d’une «clause territoriale» dans les accords de coopération avec Israël, conformément aux conclusions du conseil des affaires étrangères du 10 décembre 2012, qui ont affirmé que «tous les accords entre l’Etat d’Israël et l’UE doivent indiquer sans équivoque et explicitement leur inapplicabilité aux territoires occupés par Israël en 1967».
En ce qui concerne les territoires sahraouis occupés, cette démarche légaliste de l’UE semble bien absente des «discussions techniques» menées actuellement avec les autorités marocaines, quand bien même la cour a reconnu que les accords Maroc-UE violent le droit international et que le Sahara Occidental – il faut le relever – dispose d’un code pays attribué par l’ONU (ISO3166, EH) différent de celui du Maroc (MA). Ce qui pourrait constituer la base pour l’établissement de règles d’origine appropriées pour les produits issus de ce territoire non autonome.
A l’évidence, ce double standard dans l’approche de ces deux situations objectivement similaires entamera la crédibilité de l’UE dont les services sont tétanisés par la sensibilité de la question et par les nuisances potentielles de la part d’un partenaire intransigeant. Alors que les Etats-Unis ont précisé, en ce qui concerne leur accord bilatéral de libre-échange avec le Maroc, que la désignation «Maroc» ne comprend pas le Sahara Occidental, l’UE envisage de modifier les accords avec le Maroc pour mentionner de manière explicite et au détour d’une pirouette juridico-sémantique que le Sahara Occidental est sous supervision du Maroc.
Enfin, sur la question du consentement de la population du Sahara Occidental – autre casse-tête que la CJUE a mis en préalable incontournable à la mise en conformité nécessaire des accords UE-Maroc avec le droit international –, l’UE est confrontée à la question délicate de savoir comment l’obtenir et surtout auprès de quel interlocuteur légitime. L’activisme des officiels marocains sur cette question laisse présager un forcing accru pour imposer un collectif croupion constituée d’assemblées «élues» (sic) et d’ONG triées sur le volet, alors que la résolution 34/37 de l’Assemblée générale de l’ONU du 21 novembre 1979 confirme dans son paragraphe 7 que «le Font Polisario est le représentant du peuple du Sahara Occidental» et que cette position de l’ONU n’a pas changé.
Amar B.
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