Abdallah Zekri déclare la guerre aux intégristes en France
«L’islam en France est en train de bouger.» Ces paroles sont de Jean-Pierre Elkabbach qu’il a prononcées pour introduire son entretien avec Abdallah Zekri, président de l’Observatoire national contre l’islamophobie et secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui était l’invité de #LaMatinaleInfo sur CNews, la chaîne française d’information en continu. Elles traduisent l’ampleur du débat qui tourne en fait autour de la conception d’un islam de France et la question de son contrôle (qui et comment ?), s’agissant d’un enjeu de taille, puisque la communauté musulmane de France est forte de quelque 5 millions de personnes. Ce débat se déroule dans un contexte d’islamophobie criante véhiculée par la menace terroriste imputée à cette religion. L’islamophobie a certainement d’autres raisons moins perceptibles que le terrorisme et qui se trouvent dans le poids politique et économique lié à la dimension démographique et sociale de la communauté musulmane dans l’Hexagone.
Le contrôle de l’islam en France passe par le contrôle des 1 800 imams et des 2 500 mosquées dans lesquelles ils exercent. Les responsables des organisations de musulmans français semblent unanimes à ce sujet : l’Etat doit s’en tenir à son principe de laïcité et ne pas s’ingérer dans les mosquées. «Quelles mesures allez-vous prendre pour mettre fin aux immixtions de l’Etat dans les pratiques spécifiques à l’islam ?» C’est une des questions que prévoit de poser Abdallah Zekri aux quatre candidats à l’élection présidentielle française que le CFCM va inviter pour en parler. Il s’agit des candidats qui ont participé au débat télévisé, à l’exclusion de Marine Le Pen. Les autres questions qui vont dominer les discussions du CFCM et des quatre candidats (Hamon, Mélenchon, Fillon et Macron) concernent «les interdits contre les femmes musulmanes» et «la discrimination contre les musulmans». Le secrétaire général du CFCM rappelle que Fillon a déclaré vouloir mettre l’islam sous contrôle strict, alors que les autres, précise-t-il, acceptent de respecter la laïcité.
Au cours de son entretien avec Jean-Pierre Elkabbach, Abdallah Zekri a fait savoir que le CFCM compte peser sur l’élection présidentielle française en intervenant entre les deux tours. Il pense qu’il y a une forte tendance à l’abstention chez les musulmans de France et évoque même l’existence d’une catégorie qui envisage de voter pour Marine Le Pen. Pour sa part, le CFCM incitera les musulmans à voter «pour être respectés et entendus». Il semble bien que, pour l’heure, la priorité pour Abdallah Zekri est de neutraliser l’Union des organisations islamiques de France (UOIF, la branche française des Frères musulmans), qui est, dit-il, «en perte de vitesse actuellement, mais qui cherche à avoir la mainmise et manipule les autres fédérations» pour revenir dans les instances du CFCM.
Le cheval de bataille enfourché par l’UOIF est cette fameuse charte de l’imam, un texte qui passe pour être fondateur de l’islam de France. Elle est destinée, selon Abdallah Zekri, à protéger les imams qui acceptent de la signer et qui défendent «un islam du juste milieu et de tolérance et le vivre ensemble». C’est-à-dire «l’islam réel et non pas celui des charlatans et des imams autoproclamés», souligne-t-il. L’UOIF prend prétexte de la précipitation du CFCM à rendre public ce texte pour s’en prendre aux responsables du CFCM pour cacher son refus de cette charte. Dans sa démarche visant à isoler l’UOIF et les autres fédérations intégristes, Abdallah Zekri semble compter sur Bernard Cazeneuve, qu’il a apprécié comme ministre de l’Intérieur parce qu’il a «toujours tenu sa parole».
Houari Achouri
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