Gazoduc Nigéria-Europe : Abuja lâche le Maroc et rappelle sa préférence algérienne
Contrairement à ce que le gouvernement marocain affirme, le projet de gazoduc transsaharien (Trans-Saharian Gas Pipeline) devant relier le Nigéria à l’Europe du Sud via le Niger et l’Algérie sur une longueur de 4 128 km, n’a pas été abandonné. Le directeur général de la société nationale nigériane du pétrole (NNPC), Maikanti Kacalla Baru, et la coordinatrice du Nepad pour le Nigéria, Mme Gloria Akobundu, ont récemment fait le point sur l’état d’avancement du projet dont la réalisation est estimée entre 10 et 12 milliards de dollars.
Selon des sources nigérianes, le directeur général de la NNPC a tenu, à l’occasion, à réaffirmer à son interlocutrice l’engagement de la Compagnie pétrolière nigériane de réaliser Trans-Saharian Gas Pipeline. «Le projet est sur la bonne voie», a-t-il également assuré. Selon les estimations du gouvernement nigérian, ce projet de gazoduc transsaharien, d’une capacité annuelle de 30 milliards de mètres cube de gaz naturel et dans lequel Sonatrach est partie prenante, «devrait être opérationnel à partir de 2020».
Se disant persuadé que ce délai sera respecté, le directeur général de la société nationale nigériane du pétrole a fait savoir que «le gouvernement fédéral du Nigéria avait engagé 400 millions de dollars pour son lancement et que 450 millions de dollars avaient été également mobilisés en 2014 au moyen d’euro-obligations». Il rappelle qu’«un gazoduc de 48 pouces de largeur», actuellement en construction, doit relier Calabar, dans l’Etat fédéré de Cross River, non loin de l’Etat du Delta, à l’Etat fédéré de Kano, au nord du Nigéria.
Conçu en 2002 dans le cadre du Nepad, le projet devait être opérationnel en 2015. Les retards accusés pour sa réalisation s’expliquent notamment par la grave crise sécuritaire que le Sahel a commencé à connaître à partir de l’année 2011, date du renversement par l’OTAN de Mouammar Kadhafi. Les difficultés rencontrées par le Nigéria pour trouver des financements nécessaires à son lancement y sont certainement pour quelque chose aussi. La situation semble donc s’être débloquée au grand dam du Makhzen qui a multiplié les manœuvres pour que le projet tombe à l’eau.
La haine de Rabat pour l’Algérie a même conduit, l’an dernier, Mohammed VI à travailler longuement au corps les autorités nigérianes pour les convaincre d’abandonner la piste algérienne et de concevoir un gazoduc qui longerait la façade atlantique. Un moment, les Nigérians ont donné l’impression d’avoir été séduits par l’offre marocaine. Avec des responsables de la NNPC, Mohammed VI avait même présidé, le 13 décembre dernier, à Casablanca une première réunion de travail sur la faisabilité technique et le financement du projet de gazoduc Nigéria-Maroc.
De nombreux experts ont cependant refusé de prendre au sérieux l’alternative marocaine. Pour eux, elle est «utopique», voire «impossible». L’entrée en scène du Maroc, ont-ils assuré, est beaucoup plus à prendre comme «une manœuvre destinée à affoler Alger et inciter Sonatrach à reprendre l’idée du gazoduc transsaharien». Ces mêmes experts n’hésitent d’ailleurs plus à évoquer un «mensonge d’Etat» pour presser l’Algérie à renouer avec le projet du TSGP, initié il y a plus de quinze ans, mais gelé depuis. Il faut dire que la décision du responsable de la NNPC de reparler aujourd’hui du gazoduc transsaharien leur donne entièrement raison. Le Nigéria savait pertinemment, et depuis le début, que le projet ne pourrait se faire sans l’Algérie. A Alger, personne n’en avait douté.
Khider Cherif
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