Islamophobie : arme de dissuasion massive de la critique
Par Mesloub Khider – Pour la clarification du débat ou de l’analyse, il importe d’emblée, par souci de rigueur intellectuelle, de procéder à une définition rigoureuse des termes islamophobie et antimusulman. Tout le monde s’accorde sur la création récente du néologisme islamophobie. Il est formé du radical islam et du suffixe phobie. Si le premier terme appartient à l’usage courant du vocabulaire, compréhensible par tout le monde. Le second vocable, en revanche, relève de la terminologie psychiatrique. Et il définit la peur irrationnelle de quelque chose. A l’évidence, associer deux termes aussi dissemblables est une opération tendancieuse. Dès sa création, le mot (à l’évocation terrifiante) visait à jeter le trouble (au sens pathologique) dans l’appréhension de la question de l’islam. Subrepticement, ce terme fut introduit comme une arme contre toute critique de l’islam. Ce n’est pas un hasard qu’il se soit exclusivement répandu en Europe et dans les autres pays occidentaux.
Clone du blasphème, la fatwa
Longtemps tombé en désuétude, ces pays, notamment la France, n’interdisent pas la critique libre de la religion. Le blasphème n’est donc pas criminalisé, contrairement aux pays musulmans. De façon concertée, afin de contourner l’absence de législation sur le blasphème, et surtout en vue d’instaurer l’interdiction de toute critique de l’islam, on a pondu un clone du blasphème édicté comme une fatwa. Pour l’imposer dans les consciences, et lui donner une certaine légitimité, le terme islamophobie est associé, pour ne pas dire rendu synonyme, du vocable antimusulman. Et le tour de prestidigitation a bien réussi.
De fait, alors que la critique de l’islam ressortit du débat d’idées, de la liberté de mener des controverses, il est maintenant considéré comme une atteinte aux musulmans, voire comme un attentat contre les musulmans. Comme si le fait de critiquer l’islam revenait à s’attaquer aux musulmans (en chair et en os).
En effet, associer la critique de l’islam à une attaque contre les musulmans est très insidieux, pernicieux. Car si la critique des musulmans relève du racisme, et donc légitimement condamnable et répréhensible, d’ailleurs elle est passible de condamnation judiciaire. La critique de l’islam, elle, ne vise qu’à débattre librement des dogmes de la religion musulmane. D’autant plus lorsqu’il s’agit de pays laïcs comme la France connue pour ses controverses anticléricales. En l’espèce, la liberté de critique prime sur toute autre considération, qui plus est religieuse.
Pour insister sur le cas de la France, il ne faut pas oublier qu’elle fut le premier pays à mener une guerre impitoyable contre l’Eglise, notamment pendant la Révolution. Sans omettre les diatribes corrosives anticléricales initiées par les grands philosophes durant tout le XVIIIe siècle. En définitive, pour prouver leur sincérité dans leur souhait d’impulser un débat en vue de réformer l’islam, comme l’ont proclamé, notamment sur votre site, Boubakeur et Ghaleb Bencheikh, les musulmans devraient accepter de dissocier les deux vocables islamophobie et antimusulman. S’il faut absolument conserver le second terme pour lutter contre le racisme antimusulman (plus exactement racisme anti-Arabes), notamment auprès des juridictions afin de condamner les coupables ; il faudrait a contrario fondamentalement bannir l’usage du premier vocable inventé pour museler tout débat critique sur l’islam.
Race-religion, la confusion
A cet effet, pour commencer, les musulmans ne devraient plus brandir ce glaive (islamophobie) pour trancher (proscrire) toute critique de l’islam, sous couvert d’atteinte à la croyance musulmane. On confond délibérément deux registres : race et religion. Deux entités qu’il faut absolument différencier. En effet, la nationalité n’est pas réductible à la religion. La nationalité est une entité juridique reconnue internationalement. On naît algérien(enne) car nous sommes procréés par des parents algériens. Rien ne peut réfuter cette donnée. Nous portons notre identité algérienne de la naissance à la mort. Même si on change de pays, de nationalité, on demeurera toujours le fruit de géniteurs algériens.
En revanche, la religion, elle, relève d’un choix individuel, de la seule conscience de la personne. La religion n’est pas imprimée dans les gènes de la personne dite croyante. C’est le résultat de la transmission éducative, pour ne pas dire de l’endoctrinement. On ne naît pas musulman, on le devient. Une fois admis ce postulat, la distinction entre race (ou nationalité) et religion deviendra aisément acceptable pour l’Algérien. Et par extension, l’admission de la possibilité d’être algérien et adepte d’une religion autre que l’islam, Algérien et libre penseur ou athée. Algérien n’est pas synonyme de musulman, tout comme musulman n’est pas synonyme d’Algérien.
L’islam, objet de discussion
Par ailleurs, afin de pouvoir débattre librement, Ies musulmans devraient d’abord désacraliser la religion musulmane. Sans ce préalable de désacralisation, indispensable à l’ouverture d’esprit pour un dialogue dépourvu de toute emprise irrationnelle, les proclamations d’intention des musulmans désireux d’amorcer des réformes demeureront lettre morte. Une fois seulement cette condition acceptée, ils pourront plus aisément engager des débats controversés sur l’islam sans se sentir personnellement offensés ni éprouver quelque culpabilité religieuse.
Car, rationnellement, dans une discussion critique sur l’islam, ce qui est sacré c’est le locuteur et l’interlocuteur, et non l’islam, doctrine religieuse, objet de discussion. La critique libre de la religion est plus sacrée que l’interdiction de la critique religieuse consacrée.
Mesloub Khider
Educateur spécialisé
(*) Les intertitres sont de la rédaction
Comment (13)