Une contribution de Mesloub Khider – L’échec du système éducatif
Le système éducatif algérien alimente beaucoup de débats. Une chose est sûre : il ne permet ni d’étancher la soif de connaissances ni de nourrir à sa faim l’Algérien grâce au travail jamais décroché à l’issue des études. Car, en Algérie, le travail est une denrée rare. En revanche, les denrées importées sont abondantes. L’économie rentière se chargeant de pourvoir aux besoins de la population entière. L’Algérie, faute d’avoir de grandes idées pour développer son économie, dispose de pétrole pour éviter de penser… son développement. Malheureusement, on oublie que l’économie algérienne est assise sur du sable mouvant. Et l’avenir nous réserve rien d’émouvant. Ainsi, le système éducatif algérien est en pleine déliquescence. Et nombreux sont ceux qui incriminent l’enseignement en arabe, rendu responsable de l’échec scolaire algérien.
D’aucuns affirment qu’avec la langue française, l’Algérie serait devenue un pays développé. Voilà une allégation totalement erronée. Quoique certains affirment qu’une langue véhicule toujours les valeurs et modes de pensée intrinsèquement liés au pays porteur et diffuseur de cette langue, ce qui est en partie vrai, surtout s’il se trouve en position de domination économique et culturelle, comme dans l’exemple des Etats-Unis aujourd’hui et du français autrefois, il n’en demeure pas moins que la langue constitue aussi un simple moyen de communication. Et linguistiquement parlant, toutes les langues se valent. Il n’y a pas de langues plus perfectionnées que d’autres. Il existe, en revanche, des économies plus performantes que d’autres. Et la langue dans laquelle s’exprime leur dominante économie peut s’imposer comme langue de communication à l’échelle mondiale.
Dans le cas de l’Algérie, dépouillée de ses scories religieuses islamiques, la langue arabe aurait pu produire une éducation algérienne moderne digne des pays développés de l’Europe, en dépit d’un faible développement économique. Mais, l’Algérie, dès l’indépendance, a préféré arrimer la langue arabe, sublime langue poétique et littéraire, aux pays du Golfe et de l’Orient, où la langue arabe se confond (ou plutôt se fond dans) avec la religion islamique. Indissolublement unie au coran, la langue arabe ne peut que freiner la réflexion, l’esprit critique, dissoudre la rationalité, obérer la floraison de la modernité, tout développement économique. Et c’est la voie empruntée par l’Algérie en érigeant l’islam en religion d’Etat, religion enseignée obligatoirement à l’école, imposée quotidiennement par tous les relais médiatiques du pouvoir.
Tous ceux qui incriminent et attaquent la langue arabe, accusée d’être responsable de l’échec scolaire, de la faillite du système éducatif algérien, se trompent de cible. En effet, le principal problème de l’éducation en Algérie n’est pas l’enseignement de l’arabe, mais l’imposition doctrinaire et sectaire de la religion islamique à l’école. Dans les mêmes conditions d’imposition de la religion islamique telle qu’elle existe depuis les années 1970, même si l’enseignement avait continué à être dispensé majoritairement ou exclusivement en français, le résultat aurait été identique. On aurait connu et l’islamisme et l’échec scolaire.
En effet, la langue, en fonction de son contenu philosophique et politique et des conditions économiques qui la portent, peut se révéler réactionnaire ou révolutionnaire. Il y a des Algériens intégralement arabisants, mais pourtant extrêmement cultivés et politiquement révolutionnaires. Comme il existe des Algériens brillamment francophones, mais pourtant dramatiquement incultes et politiquement réactionnaires.
Enfin, quantitativement, l’Algérie a accompli une véritable révolution en permettant à 100% de ses enfants d’être scolarisés. Mais, qualitativement, le résultat est malheureusement catastrophique. L’Algérie n’éduque pas, elle endoctrine. De là proviennent les raisons de l’échec scolaire de nombreux élèves qui décrochent précocement du système scolaire. Sans omettre la dramatique baisse du niveau scolaire.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’économie algérienne n’intègre pas. Toute une jeunesse, souvent fortement diplômée, parvenue à l’âge de rentrer dans la vie active, se retrouve exclue du marché du travail inexistant, et vit en marge de la société sans perspective d’avenir. Prisonniers d’une société encore archaïque incapable de faire le saut vers la modernité, étouffés par un enseignement médiocre assaisonné de religion islamique, les jeunes ne trouvent pas de lieux pour voir leurs facultés intellectuelles s’épanouir, et finissent par démissionner et sombrer dans l’anomie.
Mesloub Khider
Educateur spécialisé
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