Conflit au Sahara Occidental : «La clé de la solution est en Europe»
Le coordonnateur sahraoui auprès de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (Minurso), M’hamed Kheddad, a affirmé jeudi à Nanterre que «la clé de la solution du conflit au Sahara Occidental est en Europe». «La clé de la solution est en Europe parce que l’Union européenne a toujours considéré que le Sahara Occidental fait partie du Maroc», a-t-il expliqué lors d’une conférence organisée à la Faculté de droit de l’Université de Nanterre et ayant pour thème «La question du Sahara Occidental devant le juge de l’Union européenne». Après avoir dressé un historique du conflit opposant le Front Polisario au royaume du Maroc qui a illégalement occupé il y a plus de 40 ans le territoire sahraoui, M’hamed Kheddad a indiqué devant un parterre d’étudiants et d’universitaires que «le rôle de la France en sa qualité de membre du Conseil de sécurité de l’ONU ne milite pas pour l’émergence d’une solution politique à ce conflit, alors que le droit international plaide en faveur du peuple du Sahara Occidental».
«La France est le soutien politique, diplomatique et militaire du Maroc qui a décidé de passer outre toutes les décisions de la justice internationale, qui ne reconnaissent pas la souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara Occidental et les résolutions du Conseil de sécurité affirmant et réaffirmant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination», a-t-il soutenu, rappelant que le Sahara Occidental fait partie des 17 territoires non autonomes suivis par le Comité de décolonisation des 24 et de la Quatrième commission des Nations unies, donc éligible à l’autodétermination. Pour le membre du secrétariat national du Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui, «l’Union européenne doit faire partie de la solution et non pas du problème, et changer de comportement, mettant en valeur la ligne politique des Sahraouis qui consiste en l’application du droit international».
Pour sa part, l’avocat au barreau de Lyon, Gilles Devers, a retracé à l’assistance les péripéties de la démarche juridique de son cabinet pour aboutir au dernier arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de décembre 2016 sur l’accord UE-Maroc qui a statué clairement que le Sahara Occidental est un territoire distinct et séparé du Maroc et que tout accord commercial entre l’UE et le Maroc doit se faire en consultant le peuple sahraoui par le biais de son représentant unique et légitime qu’est le Front Polisario. «Il fallait pour nous une bonne connaissance des faits et une force de l’argument», a-t-il dit, soulignant qu’en sa qualité d’avocat, «il ne défend pas les Sahraouis, mais les droits sahraouis, sinon il aurait versé dans le militantisme».
Le peuple sahraoui construit son avenir avec le droit
Gilles Devers s’est basé à cet effet sur la ligne politique tracée par le défunt président sahraoui, Mohamed Abdelaziz, qui disait : «Le peuple sahraoui construit son avenir avec le droit.» Il fait observer à son auditoire que «la cause sahraouie a tenu tout ce temps parce qu’il y a la souveraineté du peuple sahraoui». Manuel Devers, consultant juridique et fils d’avocat, a d’abord attiré l’attention sur des archives conservées au ministère français des Affaires étrangères que le Maroc avait reconnu dès 1900 les frontières du Sahara Occidental.
Au cours d’une intervention très pédagogique et instructive, il a montré documents à l’appui que l’Union européenne considère le Sahara Occidental comme faisant partie intégrante du Maroc, alors qu’officiellement, aucun pays ne reconnaît la souveraineté marocaine sur ce territoire. Il a expliqué que «70% des fonds publics de l’UE ont été investis dans le territoire du Sahara Occidental». «Il s’agit-là d’un financement de la politique d’annexion et de colonisation du Maroc», a-t-il fait remarquer, indiquant sur «la base de cartes qu’à Dakhla (ville sahraoui occupée) il y a des groupes français implantés dans des exploitations agricoles et le roi du Maroc en tant qu’homme d’affaires».
Concernant l’arrêt de la CJUE, les intervenants ont été unanimes à souligner que «c’est une victoire du Front Polisario reconnu comme représentant du peuple sahraoui qui marque la fin du paternalisme juridique marocain». Au sujet de la plainte déposée par le Front Polisario au sujet de l’accord de pêche UE-Maroc, Gilles Devers a estimé que «la CJUE ne va se pas déjuger et va sans doute l’annuler, ce qui donnera, a-t-il dit, le moyen au Front Polisario de recouvrir l’argent (tarifs douaniers) sur 16 ans d’exploitation des richesses du peuple sahraoui».