Contribution de Rabah Boucetta – Comment Saïd Sadi prépare son retour à la politique
Saïd Sadi, qui avait proclamé en 1989 la mort du MCB et sa substitution par le RCD, s’apprête à enterrer son parti à l’occasion des élections législatives du 4 mai prochain et sortir de l’ombre du RPK (Rassemblement pour la Kabylie).
S’agit-il d’une conviction autonomiste plus ou moins proche des idées concises dans le projet de régionalisation modulable ou d’une stratégie de reprise d’un statut d’interlocuteur de cette région qu’on dit «belle et rebelle», qu’il a perdue depuis 2001 ? Les observateurs avertis et les acteurs de la mouvance autonomiste sont unanimes à reprendre l’expression de Matoub Lounès à leur compte : «Win iɛeṛḍen tacriḥt n tsekkurt ur iqenneɛ ara.» Lui qui a instrumentalisé la loyauté d’une génération de militants à des fins bassement matérielles, il se propose cette fois-ci comme contrepoids du MAK.
Dans une précédente contribution parue le 4 mars 2016, sous le titre «Pourquoi Saïd Sadi se vend au Maroc», j’ai évoqué déjà cette perspective. On observe qu’en parallèle à cette opération putschiste contre le Mouvement de Ferhat Mehenni, son homme de main, le président officiel du RCD vient de recentrer les positions de son parti. En effet, le RCD tente une allégeance «tardive» à Bouteflika à travers une interview accordée au magazine français Le Point. Une double stratégie qui converge vers une même finalité : tenter de reprendre sa place dans la proximité du pouvoir. Des initiatives qui reviennent cycliquement dans la vie du parti.
Beaucoup d’observateurs croyaient, lors de la marche du 20 avril 2016, à un conflit opposant le président fondateur du RCD au président officiel qui, chacun de son côté, avait marché séparément de l’autre. L’actuel président était entouré des militants du parti qui se sont fait remarquer par les nombreux drapeaux berbères qu’ils portaient ce jour-là. D’ailleurs, beaucoup ont cru à un rapprochement avec le mouvement autonomiste. Saïd Sadi, de son côté, dans un autre carré avec des drapeaux algériens. En réalité, ce scénario était une énième offre de service dont le message est le suivant : «Je suis le seul rempart contre le MAK.» Encore une fois, il réitère son message, à la veille d’une échéance électorale importante. Dans son discours officiel, le chargé de mission du président fondateur vient de faire un virage radical, sans préavis, et annonce sa repentance.
Désormais, l’acharnement revendiquant l’application de l’article 102 est suspendu jusqu’au 5 mai 2017. En effet, dans un entretien avec le magazine français Le Point, il a déclaré : «Personnellement, je pense que le chef de l’Etat algérien n’a jamais géré le pays comme il le gère depuis 2014.» Ce revirement est venu mettre fin à l’initiative scellée dans la plateforme de Mazafran. La même méthode utilisée contre le mouvement citoyen des Arouch en 2004. Cette fois-ci, il s’agit de mettre fin au mouvement de Mazafran en participant activement à l’éclatement de la CNLTD (Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique).
Quant à l’alternative, c’est celle que j’ai déjà évoquée dans un article précédant sur les tentatives de Saïd Sadi de reprendre, pour son compte, le «projet» pour l’autonomie de la Kabylie. Cette stratégie de séduction, il l’a entamée avec son implication dans le document rendu public intitulé «Manifeste pour la Kabylie». Il utilise toujours les mêmes pratiques. Une stratégie qui lui a réussi avec le Mouvement culturel berbère (MCB). Il mettait en avant d’autres militants et, lui, opérait dans les coulisses.
D’ailleurs, personnellement, étant animateur du MCB lors du boycott scolaire, j’ai été surpris de le voir présider les réunions du MCB (Coordination nationale). Encore une fois, le voilà installé dans l’arrière-boutique du nouveau-né, le RPK. Ce n’est pas difficile de retrouver son empreinte. Il suffit d’observer le sigle et l’absence de référence à l’autonomie. Elle serait contreproductive, car il s’agit d’une indication qui l’éloignerait encore plus de son objectif, lui qui ne cherche, à travers cette initiative, que le rapprochement avec le pouvoir.
L’autre élément, c’est l’«oubli» délibéré du RPK des événements du printemps noir. Saïd Sadi n’a jamais assumé cette tragédie de 2001. Puisqu’il n’a joué aucun rôle, il veut les effacer de la mémoire du combat démocratique. C’est le cas aussi des évènements de Béjaïa de mai 1981. Pendant toute sa carrière à la tête du RCD, il n’a jamais fait référence à ces évènements dans ses discours.
Rabah Boucetta
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