Le paradoxe de la vie algérienne
Par Mesloub Khider – En Occident, on cultive les connaissances qui s’emballent.
En Algérie, on jardine les connaissances tombales.[1]
En Occident, on dissèque les corps pour le bénéfice de la science médicale.
En Algérie, on disserte sur les cadavres pour le plaisir de la mémoire banale.[2]
En Occident, on se retrousse les manches pour produire l’avenir.
En Algérie, on détrousse à coups de manche le passé sans souci de l’avenir.[1]
En Occident, on se lève le matin pour bâtir la vie à la lumière du jour.
En Algérie, on se réveille pour perpétuer chaque jour la nuit.
En Occident, on fait table rase du passé
En Algérie, on s’attable autour du passé
En Occident, on se creuse la tête pour tirer quelques savoirs.
En Algérie, on creuse les tombes pour déterrer les mêmes ossements de savoir.
En Occident, on débat à coups de théories pour s’imposer.
En Algérie, on impose sans combat ses obsolètes théories.
En Occident, on compose dans le respect avec toutes les libres opinions.
En Algérie, on décompose sans respect toutes les libres opinions.
En Occident, on façonne la vie réelle à son image.
En Algérie, on se contente d’imaginer la vie sans la façonner.
En Occident, on grimpe au Ciel pour le plier à sa volonté.
En Algérie, on implore le Ciel pour le prier à genoux.
En Occident, on se chausse le matin pour courir gagner au-delà de la fatigue sa vie ici-bas.
En Algérie, dès le matin on se déchausse à l’entrée de la mosquée pour quémander sans fatigue sa vie dans l’au-delà sans souci d’ici-bas.
En Occident, on se bat pour arracher la liberté aux tyrans.
En Algérie, on se débat pour lâcher la bride aux tyrans.
En Occident, on décline toute soumission aux puissances.
En Algérie, on s’incline avec puissance aux soumissions.
En Occident, on s’enrichit personnellement pour mieux construire son pays.
En Algérie, on déconstruit au mieux son pays pour bien s’enrichir personnellement.
En Occident, on s’endort avec le plaisir du travail accompli.
En Algérie, on se lève avec le déplaisir du travail à accomplir.
En Occident, on élève ses enfants pour leur transmettre le savoir.
En Algérie, on se transmet les enfants sans élever le savoir.
En Occident, on nourrit l’espoir d’une vie toujours meilleure
En Algérie, on vit toujours pour nourrir au mieux le désespoir
En Occident, on s’endort avec plein de rêves à réaliser
En Algérie, on cauchemarde juste à l’idée de réaliser un rêve
En Occident, on bâtit la modernité en tournant le dos aux traditions
En Algérie, on s’adosse aux traditions pour bâtir la modernité
M. S.
[1]- Allusion au ressassement de l’épopée de la Révolution algérienne et de ses martyrs.
[2]- Allusion au débat sur le rapatriement des crânes des résistants entreposés au Musée de l’Homme en France.
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