Saïd Sadi dénonce une «débilisation de la société amazighe»
Intervenant dans une conférence sur le 20 Avril 1980, le Dr Saïd Sadi fait un constat peu reluisant de la situation de la langue amazighe et de la région de la Kabylie à tout point de vue. Abordant la question linguistique et l’officialisation de tamazight dans la dernière réforme constitutionnelle de 2016, Sadi, ancien détenu des événements de 1980 et ancien président du RCD parle de la folklorisation «en marche» de cet date, qui devient, selon lui, un danger pour la poursuite du combat pour la survie de tamazight.
Saïd Sadi souligne que l’officialisation de tamazight n’est qu’un leurre car, concrètement, cette langue n’est toujours pas celle de l’Etat au même titre que l’arabe. «Le pouvoir en place veut aller plus loin en tentant de s’accaparer du 20 Avril 1980. Nous assistons à une récupération absurde de cette date par un FLN qui gouvernait à l’époque des faits», a-t-il relevé, précisant que c’était le FLN qui les avait emprisonnés à Berrouaghia. Pour Saïd Sadi, il est urgent d’agir afin de réhabiliter la «ferveur militante» dans le but de faire avancer le combat identitaire. «Nous assistons à une forme d’aliénation, de débilisation de la société amazighe conjuguée à la salafisation tous azimuts des villages de Kabylie», a-t-il affirmé.
Il considère cet état de faits comme «très dangereux» en ce sens qu’il y a une forme de «rupture avec l’esprit de discernement, de la critique et d’ouverture». De son côté, le Dr Mouloud Lounaouci, également l’un des vingt-quatre détenus d’Avril 1980 et membre fondateur du Mouvement culturel berbère (MCB), dénonce une «pollution linguistique» qui dessert la cause identitaire.
Le pire, selon lui, est que cette pollution atteigne la sociologie de la région et l’affecte politiquement et économiquement. Il considère cela comme une «stratégie» du pouvoir pour appauvrir l’esprit citoyen des régions berbérophones. Le Dr Lounaouci estime que «seule une autonomie linguistique pourrait protéger tamazight et lui permettre son développement». Il souligne dans ce sillage que rien n’a été fait par le gouvernement pour rendre l’officialisation de cette langue un fait réel dans le vécu quotidien du citoyen et des institutions de l’Etat.
Hani Abdi
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