Le RPK répond à Rabah Boucetta
Par Tahar Khouas – N’étaient-ce les affirmations mensongères qui ont été portées par M. Boucetta sur le RPK sur une question aussi fondamentale que les événements de 2001, cette réponse n’aurait, à la limite, pas été nécessaire. Mais ses propos sont graves et les insinuations encore plus pour passer sous silence une déclaration qui laisse entendre que le RPK a fait acte d’«oubli» délibéré des événements du printemps noir. Pour quelqu’un qui s’évertue à faire dans l’analyse politique la moindre des choses est de maîtriser son sujet par la connaissance, à tout le moins, des documents quand il les cite. Son passage, dans la très officielle agence APS devait normalement le familiariser sur les principes de gestion des sources de l’information et l’astreindre à la rigueur journalistique.
Mais comme ce n’est malheureusement pas le cas, nous rappelons à notre «analyste politique» que la déclaration d’existence politique du RPK, du 24 février dernier, affirme de manière explicite que son texte fondateur reste le «manifeste pour un statut politique particulier de la Kabylie». Et si on veut faire bonne lecture, voilà les termes que nous avons utilisés sur le printemps noir : «En avril 2001, le pouvoir entre dans une nouvelle étape de provocation-répression qui se solde par l’assassinat, dans l’impunité totale à ce jour, de 128 jeunes Kabyles. Le 14 juin 2001 à Alger, le pouvoir a démontré ses tentations génocidaires en lançant une véritable chasse aux Kabyles venus pacifiquement, à l’appel du mouvement des Archs, remettre leur plateforme de revendications, en organisant la plus grande marche de l’histoire du pays. Cette fracture à laquelle le pouvoir a poussé volontairement, en dressant de manière machiavélique et irresponsable les Algériens les uns contre les autres, est inscrite à jamais dans notre mémoire collective.»
De tout ce qui a été écrit par les uns et les autres sur les événements de 2001, on ne peut pas dire, sauf à vouloir faire dans la fourberie et le déni, que ce qui vient d’être cité dans notre texte fondateur participe de l’«oubli» de cette période tragique. Si nous étions dans l’exhibition ou l’instrumentalisation politique, que M. Boucetta sache bien que cette réponse aurait pu lui être faite par un cadre dirigeant du RPK dont le corps porte de manière indélébile les traces de deux balles qu’il a reçues au cours du printemps noir ! Au cours de la convention politique que nous avons tenue, un débat a eu lieu sur l’hommage à rendre aux martyrs de la Révolution de 1954 et aux martyrs du printemps noir, tout comme à toutes les autres victimes de la Kabylie. Après concertation, il a été décidé, à l’unanimité, de ne pas les distinguer, et c’est pour cette raison que nous avons terminé notre déclaration finale par : «Gloire à tous nos martyrs !»
Parce que nous ne trichons pas avec l’histoire, parce que nous nous interdisons de faire dans le révisionnisme, nous en affirmons que ceux qui ont la paternité sur la conduite politique des événements de 2001 restent les animateurs du mouvement citoyen (les Archs), et que le projet politique porté, alors, a été incontestablement incarné par la «plate-forme d’El-Kseur» dans une vision nationale. Le mouvement autonomiste kabyle, auquel ont participé certains de nos cadres en qualité de membres fondateurs, même s’il a vu le jour durant cette même période, n’a pas eu d’emprise significative pour revendiquer une quelconque légitimité sur la mobilisation des citoyens en Kabylie face au pouvoir, tant sur le plan politique que sur le plan de la contestation sur le terrain (émeutes).
Concernant les élucubrations de M. Boucetta sur la création du RPK, nous l’invitons à ne pas transposer une haine aveuglante qu’il a sur M. Saïd Sadi, son ex-chef, en leitmotiv politique au risque de sombrer dans la paranoïa politique. Le RPK a été fondé de manière souveraine, transparente et démocratique par des autonomistes kabyles. L’appel à la convention politique, rendue public le 30/12/2016 peut, à lui seul, témoigner que la démarche que nous avons adoptée est celle de l’ouverture et de la transparence. Dans cet appel, nous avons explicité nos objectifs politiques et organiques de manière claire, ce qui nous permet de dire que si certains ont enregistré la création du RPK comme une surprise, ils ne la doivent qu’à leur manque de discernement. Les plus avisés, par contre, savent que le projet était en gestation depuis 2011.
Concernant le choix du sigle, RPK, permettez-moi de témoigner que même à ce niveau, la question a été soumise au débat, et que c’est à l’issue d’un vote démocratique que le sigle RPK a été adopté en «compétition» avec d’autres sigles proposés. Certains des participants ont émis le vœu de faire apparaître le terme autonomie ; d’autres ont insisté sur le concept démocratie mais, finalement, l’idée de rassembler la Kabylie a été plus forte que tout. Cette valeur de rassemblement nous accompagnera dans toutes nos actions en direction de tous ceux qui peuvent transcender leurs différences pour la sauvegarde des intérêts de la Kabylie.
Après avoir donné une filiation quasi notariale du RPK à M. Saïd Sadi pour construire les justifications de ses analyses aussi farfelues qu’imaginaires, M. Boucetta fait dans la «prospective» et passe vers une autre idée où il laisse entendre que la création du RPK résulte d’un besoin de négociation avec le pouvoir et contrecarrer le MAK. Nous pouvons comprendre que quelqu’un qui a échoué dans la création d’un mouvement politique ne puisse imaginer la création d’un mouvement politique que pour servir de strapontin ou d’offre de service mais concevoir ce procédé, par contre, comme une démarche communément partagée, il y a des insultes que tout le monde ne peut accepter. Que les choses soient claires, le RPK n’aura à négocier avec le pouvoir algérien qu’une seule chose : un statut particulier accordant une large autonomie de la Kabylie et, bien entendu, après qu’il eut reçu le mandat du peuple kabyle de manière souveraine. Nous n’avons jamais mangé dans la main du pouvoir pour développer une quelconque nostalgie de ses prébendes.
Au lieu de s’interroger de manière lucide sur ses entreprises politiques avortées, M. Boucetta s’ingénie à les transférer désespérément sur les autres, oubliant que pour faire de la politique, la vraie, il faut avoir un projet et non pas un adversaire à descendre. Une dissidence politique peut, pour une période donnée, constituer une raison d’être mais l’ériger comme perspective, c’est ruminer désespérément ses déboires pour étaler dans le temps son incapacité à se relever de l’échec.
Tahar Khouas
Membre de la direction du RPK
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