Spéculateurs puissants, Etat faible
Par Kamel Moulfi – La flambée des prix dans les marchés a été évoquée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a pointé du doigt les spéculateurs comme étant les responsables de cette situation ayant entraîné une chute vertigineuse du pouvoir d’achat d’une grande partie de la population. Les spéculateurs ont rendu inopérante la fameuse loi de l’offre et de la demande, puisque l’abondance de la production agricole qui couvre largement les besoins du marché n’a pas réussi à endiguer la tendance à la hausse vertigineuse des prix.
Les spéculateurs agissent en territoire conquis en profitant d’une conjoncture qui leur est favorable. D’une part, l’essentiel de leurs opérations commerciales sur ce marché se fait dans l’informel, en dehors de tout cadre juridique et sans contrôle réel. Ils n’ont rien à craindre, ni la loi du marché ni la loi de la république, «que du bénéfice», comme on dit. D’autre part, le recours habituel aux importations qui permettait au gouvernement de «casser les prix» en inondant le marché par des quantités importantes de pomme de terre, de viande ou autre produit frappé par la spéculation, n’est plus possible. L’Etat n’a plus l’aisance financière que lui procuraient les cours élevés du pétrole.
La solution annoncée par Sellal – accélérer la construction de marchés de gros – va se heurter sans aucun doute à la résistance des spéculateurs qui ne comptent pas laisser tarir une source d’enrichissement aussi facile et rapide. Ils ont la maîtrise du marché et la puissance financière, pourquoi se résigneraient-ils à abandonner le terrain à l’Etat ? Ils vont continuer leurs magouilles malsaines et tenter de garder encore plus longtemps en otage le marché des fruits et légumes, et, avec lui, toute la population, en dominant le maillon décisif de la commercialisation. Les commerçants déclarés qui utilisent les factures et paient leurs impôts, et qui survivent encore, sont, avec les consommateurs, les principales victimes de cette liberté d’entreprendre chaotique.
K. M.
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