Appel à une intervention militaire en Libye : Fayez Al-Sarraj a-t-il consulté Alger ?
Face à la crainte d’une somalisation de la Libye, le chef du conseil présidentiel du gouvernement libyen (GNA), Fayez Al-Sarraj, vient d’appeler dans un communiqué la communauté internationale à «intervenir sans plus attendre pour arrêter la détérioration de la situation (sécuritaire) au sud du pays» qui menace, a-t-il dit, de faire avorter la démarche de réconciliation nationale initiée depuis la signature de l’accord de Skhirat et encouragée par l’ONU.
Reconnues par Alger, les autorités de Tripoli ont-elles consulté leurs homologues algériennes avant de formuler une telle demande urgente, sachant que l’Algérie rejette toute intervention militaire étrangère dans les pays de la région en proie à des conflits interne ?
En parlant de détérioration de la situation dans le sud du pays, Fayez Al-Sarraj fait notamment allusion aux violents combats qui opposent depuis plusieurs jours des unités de l’Armée nationale libyenne (ANL), commandée par le maréchal Khalifa Haftar, allié du gouvernement de Tobrouk et des miliciens de Misrata, placés sous les ordres du gouvernement de Tripoli, pour le contrôle de la très stratégique base aérienne de Tamanhant. De l’avis de nombreux observateurs, ces combats signent l’arrêt de mort des négociations interlibyennes et marquent le début d’une guerre civile qui risque de déboucher sur l’éclatement de l’ex-Jamahiriya. La situation fait peur, car elle risque de donner raison aux spins doctors de nombreux pays occidentaux, qui affirment que le salut des Libyens se trouve dans le morcellement de la Libye.
Placé sous le sceau de l’urgence, le communiqué du Gouvernement d’union nationale est adressé au secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, Ahmed Abou Al-Gheit, au Secrétaire général de l’Organisation pour la coopération islamique (OCI), Youssef Ben Ahmed Al-Outhaymine, au président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, à la responsable de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, et au Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Dans sa missive, Fayez Al-Sarraj reconnaît lui-même que cette «escalade militaire soudaine et injustifiée, qui a commencé ces jours-ci par des tirs d’artillerie lourde et des raids aériens sur la base de Tamanhant, met le pays au bord de la guerre civile». «Nous nous adressons à vous en votre qualité de représentants de la communauté internationale, dans l’espoir de vous voir intervenir rapidement pour mettre fin aux agissements de ceux qui jouent avec la stabilité du pays et la sécurité de ses citoyens», dit-il, ajoutant que «les escalades militaires récurrentes dans le pays risquent de compromettre le processus politique de règlement de la crise et conduire tout droit les Libyens à une guerre civile dont l’issue est des plus incertaines».
Soulignant que «cette escalade n’a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme et qu’elle ne pourra que conduire à une nouvelle détérioration de la situation dans le pays», le président du GNA a appelé les tribus du sud de la Libye, dont beaucoup se sont d’ailleurs rangées dans le camp de Khalifa Haftar, «à écouter la voix de la raison, à opter pour la réconciliation et à rejeter les surenchères de toutes les parties». Pour lui, «les bombardements dirigés contre les civils équivaut à une mise à mort de l’accord politique pour la réconciliation nationale».
Le premier à avoir jusque-là rendu un écho à l’appel du GNA et à s’inquiéter de la tournure prise par les événements, est l’ONU. Son Secrétaire général, Antonio Guterres, a averti que le conflit en Libye risque de se généraliser si une solution n’est pas trouvée à l’impasse politique actuelle. Le chef de l’ONU s’est dit convaincu que si le chaos règne dans le pays, c’est bien parce que les problèmes politiques n’ont pas été abordés, mais aussi en raison de la «multiplicité des acteurs armés sur le terrain avec des agendas conflictuels». A mentionner que le ministère libyen de la Défense, dépendant du GNA, a annoncé samedi qu’il avait obtenu l’accord des autorités de Tripoli pour reprendre la base de Barak, tombée récemment sous le contrôle de l’Armée nationale libyenne, et que les régions voisines connaissent par intermittence des affrontements et des bombardements. Une confirmation de plus prouvant que Tripoli et Tobrouk se sont bien installées dans une logique de guerre.
Khider Cherif
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