Une contribution d’Antoine Charpentier : Israël doit cesser d’endosser le rôle de justicier au Moyen-Orient(*)
Le vendredi 17 mars 2017 restera une date charnière dans les annales de la guerre syrienne. Ce n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle étape qui a été franchie. Dès le début de la guerre en Syrie, Israël n’a cessé d’intervenir, sans scrupule et de différentes façons, dans le conflit, tout en affirmant qu’il se tient à l’écart de ce qui se passe en Syrie.
A maintes reprises, l’aviation israélienne a frappé en Syrie, sous prétexte de neutraliser des convois d’armes destinés au Hezbollah. Cela sans aucune preuve convaincante. Pour les dirigeants israéliens, tous les prétextes sont bons pour intervenir en Syrie, alors que vis-à-vis du droit international, cela demeure une grave ingérence. Israël ne devrait-il pas cesser d’endosser le rôle de justicier au Moyen-Orient ?
Le 17 mars, l’armée de l’air israélienne a encore frappé en Syrie. Sauf que, cette fois, l’armée syrienne a riposté fermement à l’incursion des chasseurs israéliens, en abattant l’un d’entre eux.
Après que Sayyed Hassan Nasrallah eut fait comprendre aux dirigeants israéliens, lors de l’un de ces derniers discours, que, concernant le Liban, ils ne pouvaient plus faire comme ils voulaient et comme ils avaient l’habitude de faire par le passé, voilà que la Syrie formule par sa riposte la même idée.
Toutefois, Israël, qui ne s’attendait pas à une telle réponse, a commis une erreur fatale. Il croyait toujours être protégé par ses relations cordiales avec la Russie. Mais il convient de préciser que ce sont les soldats syriens qui ont tiré sur les chasseurs israéliens, avec des missiles russes.
En dehors du fait qu’Israël se soit fait démasquer en Syrie, la riposte syrienne vient de l’écarter de toute intervention directe sur le sol syrien, notamment au profit des groupuscules armés.
Par cette manœuvre, la Syrie vient de se débarrasser d’Israël, comme elle vient de se débarrasser de la Turquie qui a annoncé récemment la fin de son opération «Bouclier de l’Euphrate». Cela signifie le retrait de l’armée turque de Syrie.
Pourrions-nous voir dans les deux affaires, israélienne et turque, le résultat des récentes visites de M. Netanyahu et M. Erdogan en Russie ? L’armée israélienne ne peut plus intervenir à sa guise en Syrie. Les Turcs ont vu leur marge de manœuvre également réduite. Hormis le fait qu’Israël et la Turquie ne pourront plus intervenir directement sur le territoire syrien, ces deux Etats ont été aussi écartés des batailles de Raqqa et d’Idlib. Ce qui signifie qu’Israël et la Turquie pourraient être en position de hors jeu à propos de toute solution à la guerre syrienne. Cela signifie également que les groupes armés vont avoir plus de difficultés pour obtenir du soutien extérieur, même si cela reste faisable en adoptant d’autres formes.
Actuellement, l’implication d’Israël dans le conflit syrien n’est plus à démontrer. Israël croyait encore et toujours qu’il pouvait faire comme il avait l’habitude de faire au Moyen-Orient. Toutefois, se rend-il compte que la donne politique et stratégique a changé et qu’il vaut mieux négocier que s’enorgueillir.
En ce moment, le moral du peuple israélien doit être au plus bas. Après les propos de Sayyed Nasrallah concernant le réacteur de Dimona, les missiles syriens qui ont atteint le Jourdain – même s’ils ont été interceptés – posent une importante question : Israël pourra-t-il persister dans sa logique guerrière, tout en protégeant sa population ? Cette population qui sera la première touchée en cas de conflit majeur.
La riposte syrienne à l’attaque israélienne s’inscrit aussi dans une démarche qui vise à limiter le plus possible les interventions extérieures afin de favoriser les manœuvres vers une solution politique et une fin du conflit.
La réaction syrienne contre les chasseurs israéliens enterre définitivement l’idée qui consiste à penser que la Russie a accepté d’ouvrir l’espace aérien syrien afin qu’Israël puisse frapper le Hezbollah. Il paraît difficile d’envisager un conflit militaire entre la Russie et Israël, surtout sur le terrain syrien. Cependant, les relations politiques et diplomatiques entre les deux pays prennent une nouvelle tournure.
Une solution politique est en train de s’opérer en Syrie, les groupes terroristes sont en train de vivre leurs derniers jours. La logique est que Syriens, Russes, Iraniens ainsi que leurs alliés ne vont pas permettre que leurs plans qui avancent de jour en jour – dans le but d’arrêter la guerre en Syrie – capotent à cause des ingérences extérieures. Les dernières attaques d’Israël contre la Syrie ont prouvé réellement sa volonté de vouloir empêcher toute solution dans ce pays. Enfin, il paraît que le Premier ministre israélien a visité Moscou, il a entendu les paroles de M. Poutine, mais il a tout de même voulu tester la fiabilité du discours russe. Il a obtenu la réponse.
La question qui mérite d’être posée est de savoir pourquoi Israël s’entête dans une logique conflictuelle au Moyen-Orient, au moment où le rapport de force n’est plus en sa faveur ? Ne serait-il pas plus judicieux de se remettre sérieusement à la table des négociations, au lieu d’embraser toute une région ? La logique israélienne semble suicidaire, mais la question est : pourquoi ?
Antoine Charpentier
(*) Le titre est de la rédaction
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