Ce dinar mal en point
Par Ahcène Moussi – Voilà que nos barons richissimes, hauts responsables de nos institutions pour certains, fournissent à la pelle pour convertir des dizaines de milliers de dollars, de livres et d’euros à des jeunes aux pantacourts et jeans baissés, tout en leur assurant sécurité et salaire, dans ce bisness juteux de change de devises.
Désormais, l’informel et l’illégalité mènent le bal encore en 2017 en Algérie aux lieu et place de vraies réformes économiques et financières et d’une lutte sans merci contre la corruption. Qu’on en finisse avec ce règne de la stupidité, cette maladie incurable de nos dirigeants qui gangrène toute la société. Qu’on arrête définitivement de nous alimenter, les uns les autres, de toutes ces conneries qui ne font que nous abêtir encore et davantage. Que ceux qui n’ont rien à proposer se taisent.
Alors que le temps de la carte de crédit est bientôt consommé partout dans le monde, et que la technologie est à la carte biométrique (plus besoin de taper le code secret) ; alors que le monde réfléchit à une alternative à l’économie de marché, ce système qui a remplacé l’économie administrée, et qui semble ne pas tenir compte de certaines réalités d’aujourd’hui (écologie, numérique, robotique énergie solaire, et autres mutations…) ; alors que la pensée politique se renouvelle partout ailleurs, compte tenu des réalités du monde et de la mondialisation ; alors que chaque nation cherche les meilleurs voies et moyens qui lui permettraient de disposer des capacités à défendre ses intérêts et ses valeurs de manière autonome, etc., chez nous, en Algérie, on continue encore à faire dans le semblant démocratique et à éterniser un système à la limite de la succession adelphique.
Combien de fois avions-nous entendu nos responsables nous parler de réformes économiques en profondeur ? Combien de fois les avions-nous entendu nous parler de lendemains meilleurs, etc. ? Dans la réalité, c’est juste de la poudre aux yeux.
Nos gouvernants doivent reconnaître qu’ils sont aujourd’hui à court d’alternatives, et les quelques arguments, mi-figue, mi-raisin qu’ils avancent n’ont pas convaincu jusque-là. Elle est maintenant bien finie l’économie rentière. Le pétrole à 120 dollars le baril, c’est du passé. Nous n’avions pas su profiter, eh bien dansons maintenant.
Pour revenir à notre dinar, mal en point en ce moment et mis à plusieurs reprises sur la table d’opérations chirurgicales, il serait, semble-il, loin d’être rétabli complètement pour pouvoir intégrer le club des «grandes monnaies» mondiales.
Rappelons-nous qu’on nous a pourtant promis sa convertibilité en 1992 déjà. Bien que nous n’y ayons pas cru, du fait du poids de la dette dont le service nous soutirait plus de 60% des revenus de nos exportations à l’époque. L’Algérie est encore, et davantage, à construire. Il y a beaucoup à faire en matière d’investissements. La bonne nouvelle est que plus le volume d’investissements à réaliser est ambitieux, plus le taux de rendement interne serait profitable et attrayant pour les investisseurs en Algérie qu’il ne le sera ailleurs dans d’autres pays. C’est là une opportunité à exploiter pour défendre la faisabilité de la convertibilité du dinar.
Conditionner la convertibilité du dinar à la seule activité touristique est une erreur. Et penser que l’ouverture de bureaux de change risquerait de provoquer un épuisement rapide des réserves de change, c’est restreindre l’analyse sur la situation financière et monétaire du pays.
Bien au contraire, le dinar convertible sur la place publique va inciter les investisseurs étrangers à s’intéresser au marché algérien et, par là même, à renflouer les caisses du Trésor.
La convertibilité du dinar est aussi l’un des critères qui incitera le touriste à visiter l’Algérie et donc à rentrer avec sa monnaie et son porte-monnaie, ce qui est valable aussi pour les huit millions d’Algériens qui vivent à l’étranger. Cette opération est certainement salutaire pour le pays. Toutefois, elle ne peut être un succès que si elle s’accompagne, entre autres, de réformes en profondeur, comme la restructuration du secteur bancaire, la justice fiscale et sociale, la réorientation des ressources de l’Etat dans les investissements, la création d’emploi et amélioration du pouvoir d’achat du citoyen.
Il y a sûrement des choses qui marchent bien chez nous, il faut donc faire avec, et naturellement ouvrir ce qui mérite d’être ouvert dans ce qui demeure jusqu’à l’heure cloisonné.
A. M.
Economiste, Canada
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