Démystification du berbérisme (I)
Par Mesloub Khider – Il est communément reconnu que le berbérisme est né à l’étranger, et avec le soutien de la main invisible de l’étranger, avant d’essaimer en Kabylie. En outre, le berbérisme a toujours été l’apanage de la petite bourgeoisie intellectuelle francophone.
Dès l’époque de la lutte de libération nationale, cette frange de l’avant-garde des révolutionnaires algériens a voulu placer son combat sous les auspices de la spécificité culturelle berbère de l’Algérie. Animée par un esprit laïque inculqué par l’école française, souvent d’obédience communiste (stalinienne), elle s’est érigée contre l’orientation arabo-islamique impulsée au mouvement de libération nationale par la majorité des membres de l’organisation anticolonialiste.
Vaincue au cours des années 1940, puis totalement effacée de la scène politique au cours des années de la guerre de libération 54/62, la revendication berbériste refait surface au lendemain de l’indépendance. Portée par une minorité d’intellectuels établis en France et au Canada, la question berbériste prendra une dimension politique affirmée, notamment par la création de l’académie berbère.
Issus majoritairement de la Kabylie, ses principaux animateurs s’attelleront dès lors à élaborer une construction historique de l’Algérie totalement mythifiée. Ces berbéristes s’ingénieront à écrire l’histoire de l’Algérie sur des fondements entièrement falsifiés. Alors que tous les authentiques historiens s’accordent sur l’absence de l’existence d’un royaume uni et pérenne en Algérie, pays à l’époque éclaté en de multiples tribus constamment en guerre entre elles ; les berbéristes s’échinent à tresser des légendes sur cette période antique présentée comme glorieuse pour les Berbères.
Ces berbéristes kabyles n’hésitent pas non plus à accaparer l’histoire des rois (souvent romanisés) berbères. Qui, soit dit en passant, souvent ont réprimé les soulèvements des paysans berbères, acculés à la révolte du fait de la politique d’expropriation des terres et d’exploitation forcenée appliquée par les classes dominantes romano-berbères de l’époque.
Ainsi, au cours de ces dernières décennies postindépendance, une histoire berbérisée à outrance de l’Algérie a tenté de supplanter l’histoire officielle arabisée, tout aussi tronquée, en vue de justifier la revendication identitaire kabyle. Certes, la revendication linguistique berbère est légitime, mais elle ne doit pas justifier la falsification de l’histoire de l’Algérie, et au-delà, du Maghreb, par les partisans de l’amazighité.
De toute évidence, nous avons assisté à un véritable hold-up historique perpétré par les berbéristes. Dans leur entreprise de récupération chauvine, ils se sont livrés à une construction idéologique d’un récit historique berbériste totalement mythifié. Pour appuyer leur mystification, ils n’hésitent pas à user et abuser d’anachronismes.
Ainsi, ils appliquent sans vergogne des schémas de pensée contemporains à des réalités historiques antiques. Ainsi, parmi les plus grandes mystifications figure cet usage historique de la traduction du vocable «Amazigh» sous le nom «d’homme libre», en lui accolant une connotation politique contemporaine inappropriée et illégitime.
En effet, contrairement à la définition habituelle énoncée par les berbéristes, le terme Amazigh, s’il signifie bien «homme libre», ne peut pas être apparenté à l’expression actuelle moderne à l’évocation politique prononcée. Historiquement, il est établi anthropologiquement que les anciennes sociétés tribales, tels les Berbères, se désignaient, pour se différencier d’autres tribus ennemies aptes à être donc soumises, par le terme «d’hommes libres». «Hommes libres», par opposition aux autres hommes des autres tribus susceptibles d’être attaqués, soumis, dominés, réduits à l’esclavage, voire mangés.
Ce vocable ne peut donc pas être associé aux définitions contemporaines chargées d’une dimension politique puisée dans les sociétés démocratiques occidentales. Il n’a pas la valeur de l’acception moderne, théorisée par les philosophes et les législateurs contemporains occidentaux. En effet, dans son acception large, l’appellation moderne d’homme libre renvoie au concept de citoyen libre né avec les Révolutions française et américaine.
L’expression renferme cette dimension politique de l’homme inaliénable, aucunement soumis à une divinité ni à un pouvoir royal absolutiste. Affranchi de toute sujétion aux pouvoirs religieux et politiques, l’homme citoyen affirme ainsi sa liberté de gouvernance dans une société démocratique. On est loin de la définition anthropologique millénaire tribale.
Pourtant, la majorité des Kabyles, par ignorance historique, accordent encore aujourd’hui au vocable Amazigh la signification anachronique d’homme libre associé à sa définition moderne politique.
M. K.
(Suivra)
N. B. : Pour parer à toute accusation, je proclame que je suis algérien, kabyle originaire d’Aïn El-Hammam (ex-Michelet), fils de moudjahid et affilié à aucun parti politique ni inféodé à aucune secte religieuse. Dans le cadre du débat historique démocratique, considérez seulement qu’il s’agit, là, d’un point de vue, en l’espèce le mien. J’ai rédigé ma contribution en homme libre.
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