La presse nigériane met en garde à nouveau contre une adhésion du Maroc à la Cédéao
Contrairement à ce que Mohammed VI crie sur les tous les toits, l’adhésion du Maroc à la Cédéao n’est pas acquise. Elle suscite même un vent de réprobation dans de nombreux pays. A mesure qu’approche le rendez-vous du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, prévu d’avoir lieu le 4 juin prochain Monrovia, et qui doit se prononcer sur la demande d’adhésion de la narco-monarchie marocaine, de plus en plus de voix s’élèvent au Nigéria pour demander au président Buhari de pas commettre l’erreur historique de donner un siège au Maroc au sein de leur sous-ensemble régional.
Pour beaucoup, une telle adhésion équivaudrait à faire rentrer un loup aux longues dents dans la bergerie. La presse nigériane, qui est revenue longuement sur le sujet cette semaine, est apparue globalement contre l’intégration du Maroc, qu’elle voit comme un «intrus» et se montre persuadée que l’objectif de Mohammed VI est de faire main-basse sur la Cédéao et de s’en servir comme outil pour mettre en œuvre ses politiques néocoloniales. De nombreux journalistes, comme par exemple ceux du quotidien Vanguard, avertissent à ce propos que le Maroc a donné un aperçu clair de ses desseins noirs les semaines qui ont suivi son adhésion à l’Union africaine (UA).
Pour Vanguard, il n’y a pas de doute possible, les monarchistes néocolonialistes de Rabat ont rejoint l’organisation panafricaine pour la détruire de l’intérieur, l’empêcher de renforcer son indépendance et compromettre son développement. En guise d’arguments, le quotidien rappelle les «manœuvres du Maroc pour casser la cohésion de l’UA avant et après son adhésion à l’UA», comme ce fut le cas de la réunion de la TICAD, en août 2016 à Nairobi, du Sommet Afrique-pays arabes de Malabo en novembre 2016, et de la récente rencontre à Dakar où Rabat s’est opposé à la participation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) à la Conférence ministérielle des finances UA/CEA. Les gesticulations des Marocains ont, d’ailleurs, contraint les organisateurs à reporter la rencontre.
Aussi, l’opinion au Nigeria se montre déçue que le président Buhari ait permis au «Maroc de contrecarrer les efforts collectifs de l’Afrique» et l’appelle donc «à agir vite avant que Mohammed VI ne brise l’unité africaine lors du prochain Sommet de l’UA en juillet 2017». La presse nigériane soutient, en outre, que l’accord signé par le Maroc avec le groupe Dangote pour «exploiter les ressources naturelles du peuple sahraoui» et la visite effectuée au Nigeria par le roi Mohammed VI «ne doivent pas être une raison pour permettre à Rabat de saper l’unité africaine et les efforts de développement en Afrique».
«S’il y a 33 ans, le président Buhari a amené le Nigeria à défendre la justice sociale au Sahara Occidental, nous ne pouvons pas aujourd’hui rester neutres», martèle le journal Vanguard, qui exige du Nigeria qu’il «se conforme à l’Acte constitutif de l’UA, qui reconnaît le droit des peuples à l’indépendance, l’égalité souveraine et les frontières de tous les Etats membres de l’UA». «Nous devons défendre les intérêts collectifs africains contre les intérêts étroits du Maroc», martèle-t-il.
Plusieurs anciens décideurs et experts ouest-africains sont aussi montés récemment au créneau récemment pour avertir des conséquences d’une adhésion du Maroc à la Cédéao. Une adhésion qu’ils n’ont pas hésité à qualifier d’hérésie suprême. Dans un récent article paru dans un quotidien sénégalais, Jean-Paul Dias, ancien ministre de l’Intégration économique africaine et président du Conseil des ministres de la Cédéao, s’est insurgé contre le «mutisme de tous (presse, politiques, ONG, universitaires, entreprises, etc.) au Sénégal comme dans la sous-région» concernant la demande d’adhésion du Maroc à la Cédéao et a appelé à évaluer la pertinence et les conséquences de cette éventuelle adhésion sur les politiques et les économies des pays de la région. Et sur cette question, pour l’ancien ministre sénégalais de l’Intégration économique, le verdict est clair : «Après tout, que gagneraient le Sénégal et les autres Etats membres de la communauté dans une adhésion du Maroc à la Cédéao ? Rien ! Le Maroc ? Tout !» L’Afrique est avertie !
Khider Cherif
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