20 avril : des dizaines de milliers de personnes marchent en Kabylie
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté aujourd’hui à Tizi-Ouzou et à Béjaïa pour commémorer les douloureux événements d’avril 1980 et ceux encore plus meurtriers de 2001. A l’appel du Mouvement culturel berbère (MCB), du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et du Mouvement pour l’autonomie pour la Kabylie (MAK, non agréé), plusieurs marches se sont déroulées dans le calme. Les manifestants ont arboré des banderoles à travers lesquelles ils rendent hommage aux «martyrs» de la cause identitaire et dénoncent la «répression féroce du régime» qui continue de s’exercer sur les militants.
A Tizi-Ouzou, les manifestants ont fait le tour de la ville, sans grabuges, mais sous un dispositif sécuritaire impressionnant. Selon des témoins sur place, des renforts policiers ont été envoyés très tôt le matin dans cette ville afin d’éviter des dérapages. A Béjaïa aussi, plusieurs marches ont été organisées. Le RCD a inauguré d’abord une stèle à la mémoire de Matoub Lounès en présence du président du parti, Mohcine Belabbas. Les cadres du parti, en pleine campagne pour les élections législatives, ont ensuite participé à la marche populaire au centre-ville de Béjaïa. En plus de cette marche, le président du RCD a animé un meeting électoral qui est fortement axé sur les événements du 20 avril, l’identité berbère, les libertés et la démocratie.
Le FFS préfère, quant à lui, poursuivre sa campagne sur le terrain avec des meetings et des cérémonies commémoratives de cet événement. Ainsi, la tête de liste du parti à Béjaïa a animé ce jeudi des meetings à Tazmalt, Beni Djellil, Taourirt et Beni Maouche. La commémoration du 20 avril a été au cœur de la campagne des autres candidats aux législatives des wilayas de Tizi-Ouzou et de Béjaïa. Cette commémoration est la première du genre depuis l’officialisation de la langue amazighe, consacrée dans la nouvelle Constitution promulguée en mai 2016.
Elle intervient dans un contexte marqué par un intense activisme en Kabylie et à l’étranger des partisans de l’autonomie ou de l’indépendance de cette région. Le MAK, incarné par Ferhat Mehenni, radicalise davantage son discours et menace de passer à «la revendication physique», qui signifierait un appel de l’étranger pour des actions armées contre ce qu’il qualifie de «forces coloniales».
Face à ce mouvement séparatiste aux accointances douteuses en France, il y a un autre mouvement récemment né et mené par les dissidents du MAK qui sont plutôt pour une autonomie négociée de la Kabylie dans une Algérie plurielle. Il s’agit du Rassemblement populaire pour la Kabylie (RPK), également fortement mobilisé sur le terrain.
Plusieurs activistes du MAK arrêtés
Fortement mobilisés pour participer aux marches populaires organisées dans plusieurs villes de la Kabylie, des militants du MAK bien connus des services de sécurité ont été arrêtés, avant d’être relâchés. Ainsi, à Bouira, plusieurs activistes de ce mouvement séparatiste dirigé de l’étranger par Ferhat Mehenni ont été interpellés par les services de sécurité devant l’Université Akli-Mohand-Oulhadj. Parmi eux Samir Askeur, Saïdani Ouali, Belaïd Mesouaf, qui sont connus pour leur encadrement des actions du MAK dans la région. Un autre activiste du MAK, Farid Hachemi, a été interpellé à Beni Douala muni de tracts et de banderoles appelant à se soulever contre «le pouvoir colonial d’Alger». Un ancien cadre du MAK, Kamel Chetti, fait partie des personnes arrêtées.
Non agréé, le Mouvement pour l’autonomie pour la Kabylie (MAK) active en Kabylie dans l’illégalité. Longtemps tolérées, ses actions commencent à inquiéter les hautes autorités du pays en ce sens qu’elles portent atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de l’Algérie. La radicalisation du mouvement par Ferhat Mehenni, qui passe de l’autonomie à la revendication de l’Indépendance, en créant un drapeau, une monnaie et un gouvernement provisoire, a poussé de nombreux cadres et militants de ce mouvement à démissionner, refusant ainsi l’option séparatiste.
L’unilatéralisme par lequel se distingue Ferhat Mehenni dans sa gestion de ce mouvement à partir de Paris a provoqué de graves dissensions internes et des départs massifs de militants qui ont rejoint un autre mouvement récemment créé, à savoir le Rassemblement pour la Kabylie (RPK), qui revendique un statut particulier pour cette région dans une «Algérie plurielle».
L’option séparatiste, totalement rejetée par les partis traditionnellement ancrés dans la région, à savoir le RCD et le FFS, effraie beaucoup d’habitants de Kabylie, qui estiment que les martyrs fort nombreux dans la région se sont battus pour la libération de toute l’Algérie et non pas d’une partie de ce vaste territoire.
Hani Abdi
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