Députation : comment stopper les appétits voraces
Par Samir Arnaoui – Ces derniers temps, ils sont nombreux à courir derrière un fauteuil pour «siéger» dans l’hémicycle populaire, en jurant qu’ils sont prêts à défendre la cause des votants ; alors moi, sceptique, je me suis demandé ce qui se passerait si un député ne touchait que le salaire qu’il percevait dans son job d’avant l’élection (cela s’appelle un détachement) en tant que salarié, libéral, ou commerçant ? Je crois que cela freinerait bien des ardeurs mais vu les avantages en nature que ce siège procure, les portes qu’il permet d’ouvrir, et les relations tissées dans l’opacité, beaucoup continueraient à vouloir se sacrifier pour la cause des votants.
Alors j’ai une autre idée qui pourrait stopper net les appétits voraces de certains postulants (je n’ai jamais dit que tous les députés étaient du même acabit, il y en a certainement qui se font élire pour défendre le peuple, et ils l’ont bien montré à l’occasion).
Mais l’incertitude qui plane sur un certain nombre d’entre eux commanderait que l’on change de technique, sans que la démocratie soit atteinte et sans renoncer à la première idée du «détachement». Pourquoi ne pas tirer au sort les députés ? Cela coûterait moins cher en préparatifs et en budget mais, aussi, en temps puisqu’en une journée la question serait réglée : dans chaque wilaya un ou deux observateurs internationaux actionneraient avec le wali lui-même l’ordinateur branché sur l’état civil de la wilaya pour faire sortir les cinq ou dix députés de ladite wilaya !
On ne les appellerait plus députés (trop honorifique) mais serviteurs de la nation pour bien marquer qu’il s’agit d’un sacrifice. Oui, la démocratie a besoin de sacrifices, et non pas de frais de missions à l’étranger puisque le gros des travaux est à faire ici, chez nous ; le travail des commissions pourrait être délégué à nos diplomates qui s’en acquitteraient avec brio : imaginez les économies en devises pour le pays en ces temps de disette !
Les serviteurs de la nation recevraient donc leur salaire d’antan (pour les élus qui étaient chômeurs, on verserait deux fois le SMIC), et ils auraient tous des cartes leur permettant de manger dans les restaurants de la République et de voyager gratuitement par train et par avion quand le service l’exige.
N’exagérons rien, pour les élus ayant un véhicule, l’APN servirait des bons d’essence, au vu des kilomètres parcourus attestés par un expert. Les serviteurs du peuple siégeraient deux ans et auront mandat non renouvelable vu la lourdeur de la tâche.
Pour ceux qui s’en font pour la démocratie, je dirai que cette «procédure» aura déjà fait l’objet d’un référendum populaire : «Etes-vous pour ou contre le tirage au sort des députés de la nation ?» Comme chacun(e) aura une chance sur quarante millions d’être tiré au sort, mais une chance quand même, je suis certain que le oui l’emportera…
Imaginez la scène ! Un soir, les téléspectateurs que nous sommes trembleraient à l’idée d’être choisi, en regardant l’ordinateur de l’unique prêt à sortir après un roulement de tambour, les noms des serviteurs qui auront la lourde tâche de représenter leur wilaya dans l’enceinte de l’APN.
En une nuit, en une heure, en quelques minutes, sans rien dépenser, et sans programmer de budget pour les payer, un groupe de 300 hommes et femmes serait désigné pour siéger à l’APN ! A l’APN un grand programme les attend, des plus ingrats et des plus fastidieux (sauf pour ceux qui aiment le sacrifice) : pas de vacances ou très peu, pas de farniente, pas d’hôtels cinq étoiles, ni de nourriture de luxe, ni de…, ni de… Vous voyez ce que je veux dire ?
Les serviteurs de la nation partiraient chaque semaine en mission dans l’Algérie profonde ! Dans les zones inaccessibles : au Sud, dans les communes déshéritées, dans les montagnes et dans les plaines, comme au bon vieux temps de la révolution agraire ! Des semaines bloquées, dans des hôtels miteux, à manger de la soupe : quelle aubaine pour le people visité et pour le pays ! Imaginez les serviteurs s’informant des tracas vécus par les citoyens et revenant à Alger pour remettre leur rapport, puis s’attelant à faire voter les lois susceptibles d’éradiquer les «tracas» de leurs concitoyens.
Je gage que bon nombre de pays nous copieraient, nous imiteraient et nous remercieraient de leur avoir montré la voie. Hélas ! je suis en train de rêver. Mais combien seraient-ils à se bousculer au portillon, hein ? Dites-moi !
S. A.
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