L’obscurantisme affiché
Par Kamel Moulfi – L’«innovation» des élections législatives du 4 mai 2017 est sans doute cette façon de faire figurer les candidates sur les affiches de certains partis : elles sont masquées. Du jamais vu en Algérie. La loi favorise depuis quelques années la présence des femmes dans les institutions élues, et les Algériens sont fiers de cette avancée progressiste auprès de leurs interlocuteurs étrangers quand la discussion s’y prête. Quelque part, un tuteur ou un dirigeant de parti a décidé que les femmes qui acceptaient, ou étaient poussées à le faire, d’entrer dans le jeu électoral devaient le faire sans montrer leur face. Ce qui est utilisé comme argument électoral chez les uns, des visages féminins sur une affiche, et même en tête de liste, est vu comme la yadjouz, illicite, chez d’autres.
Evidemment, il s’agit d’un véritable scandale qui a vite fait d’éclater et de révéler les endroits où une telle mentalité veut s’imposer, voire domine déjà. C’est là que la deuxième surprise nous attend. Cela se passe à Bordj Bou-Arréridj, présentée comme la capitale de l’électronique, de la modernité donc, préfigurant le futur. Comment ne pas se rappeler Sidi Bel-Abbès, la pionnière dans cette industrie de pointe, dans les années 1970. Dans cette ville de l’intérieur du pays, comme on dit, les femmes ont combattu courageusement la fatwa émanant d’imams autoproclamés leur interdisant de travailler aux côtés des hommes. Dans la démarche volontariste qui le caractérisait dans tous les domaines, le gouvernement de l’époque avait décidé de casser les modèles tabous qui enfermaient les femmes dans leurs foyers.
Quarante ans après, dans notre pays, les femmes sont dans la rue, parfois jusqu’à une heure tardive, et occupent l’espace public… sans masque. Mais l’obscurantisme est toujours aux aguets, en prenant appui, nous dit-on, sur de prétendues «coutumes et traditions» qui imposeraient que le visage de la femme soit caché sur une affiche électorale collée pour permettre aux électeurs de savoir à qui ils ont à faire et choisir en toute connaissance de cause.
K. M.
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